18/09/2022

Ron Whitehead, le poète Beat du Kentucky

Ron Whitehead.                             

En septembre 2021, lors du Beat Poetry Festival qui se tenait dans le Connecticut, Ron Whitehead a été intronisé US National Beat Poet Laureate. Une distinction qui lui va comme un gant.


Ron Whitehead est depuis des décennies un activiste de la scène culturelle de Louisville, la grande ville du Kentucky, un État du sud-est des États-Unis, dont il est originaire. Il a publié une trentaine de livres. Son oeuvre a été saluée par de nombreux écrivains américains, à commencer par Hunter S. Thompson, l’auteur de Las Vegas parano, inventeur du journalisme Gonzo et originaire lui aussi du Kentucky: « J'ai depuis longtemps admiré Ron Whitehead. Il est fou comme neuf huards, et sa poésie est un mélange éblouissant de sagesse populaire et de mathématiques pures. »


Lawrence Ferlinghetti, l’éditeur de San Francisco, était également très élogieux: « Ron Whitehead est un vrai visionnaire. Ron Whitehead, là-bas dans le Kentucky, sème les dents du dragon d'un nouvel héroïsme. Ron Whitehead est un bodhisattva du Kentucky. »


L’inspiration de Ron Whitehead est particulièrement généreuse et sensible. On est heureux de découvrir tant d’énergie poétique, dans la droite ligne des voix légendaires de la Beat Generation.








Loin de l’horrible foule


Fais un grand bruit

Menace avec violence

Crie ta victoire

Prends une gorgée nauséabonde

et avale ce qui te dégoûte

Mange de la terre

Mange ton chapeau

Mange tes chaussures

Mange du pâté de corneilles

Mange du foie de porc

Mange de la dinde

Mange des dragons

Mange avec excès

Fais de grands bruits 

Exalte-toi

Avale ce qui te dégoûte

Mâche tes foutus mots

Divise

et conquiers

Mange la lune

Dis ce que tu voudras

Mon corbeau et moi nous prenons congés

de tout ce brouhaha

Mon corbeau et moi lisons des livres

et écrivons des poèmes à la maison ce soir



                                                                                                                                Photo by Jinn Bug




Je ne veux pas ce qui n'est pas à moi


Dans ce monde qui se fracture rapidement,

Voici mon rappel quotidien:

Je ne veux pas de tes vêtements.

Je ne veux pas de ta nourriture.

Je ne veux pas de ta maison.

Je ne veux pas de ton boulot.

Je ne veux pas de ta compagne,

Je ne veux pas de ta colère,

Je ne veux pas de ta haine.

Je ne te veux pas.

Je ne veux pas être toi.

Je ne veux pas de ton pays.

Je ne veux pas de tes fusils ni de tes bombes.

Je ne veux pas de ta guerre.

Je ne veux pas de ton apocalypse.

Je ne veux pas ce qui n'est pas à moi.

Plus d'une fois

j'ai été reclus.

J'ai vécu dans les bois,

loin du monde,

à l’étude des Esséniens.

J'ai passé une grande partie de ma vie

comme militant de l’Underground.

Je déteste la politique.

La politique de la cupidité.

La politique du pouvoir.

La politique du viol du pillage 

et du meurtre de notre Terre Mère

des animaux et des gens

afin d'acquérir et de conserver égoïstement le pouvoir.

Mais détester la cupidité,

le pouvoir,

n'est que la moitié de mon histoire.

Ne pas vouloir ce qui ne m’appartient pas

est l'autre moitié de mon histoire.

Heureusement, tout le monde

ne veut pas être être un tyran fou 

ivre de cupidité et hystérique du pouvoir.

Le seul pouvoir que j’accepte

est celui de ma responsabilité individuelle

et de l’aide à mes voisins.

Ai-je toujours été responsable ?

Bien sûr que non.

Ai-je toujours aidé mes voisins ?

Bien sûr que non.

J'ai échoué plus que n’importe qui.

J'ai dit « Va te faire foutre! » plus d'une fois.

Mais on change. Je l'ai fait. Je le fais encore.

Changer est la règle d’or.

Bien que souvent dans la douleur,

j'accepte le changement.

Tout au long de ma vie,

j'ai changé.

Il est arrivé un moment où

j'ai choisi de prendre des décisions

de manière désintéressée.

J'ai fini par comprendre

qu'être individuellement responsable

et aider ses voisins

crée l’atmosphère individuelle et planétaire la plus saine. 

Je choisis de marcher dans ce chemin

aussi loin que ça ira.

Je veux voir où ça va aller.

J'aime ne pas blesser les autres.

J'aime être un bon voisin.

J'aime avoir des amis.

J'aime les gens les animaux

et l'intense beauté

que nous offre la Terre Mère.

Je ne veux pas ce qui n'est pas à moi.

Je suis presqu’un ermite.

Je suis heureux dans la solitude

intérieure et extérieure.

Je choisis de vivre simplement

et de partager la générosité de la Terre Mère avec les autres.

Je serai toujours un militant de l’Underground.




En septembre


En septembre

les étoiles deviennent plus brillantes

les jours raccourcissent

les nuits sont plus longues

Quand tu as tendu le bras

que tu as pris ma main

regardé profondément dans mes yeux

et m’a dit « je t’aime »

j'ai oublié

que nous étions assis dans un restaurant

Je me suis soudain retrouvé

tout près de toi

main dans la main

sous les étoiles

nous embrassant silencieusement

au son d’une musique douce et des clapotis du ruisseau

Le temps s'était arrêté

Rien d'autre n'avait d'importance

Quand le serveur

a demandé « est-ce que ce sera tout »

j'ai dit « oui merci »

Nous restions assis

émerveillés

que ce moment dure 

encore un peu plus longtemps

et puis il fut temps de partir



(Poèmes traduits par Bruno Sourdin)


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