02/06/2021

André Velter le voyageur aux départs infinis

 

André Velter                                         (photo Sophie Nauleau)


André Velter est un grand voyageur et un poète érudit. Il a ramené de l’Himalaya des poèmes de haute altitude, Le Haut-Pays et La Traversée du Tsangpo, qui sont des livres d’initiation qui m’avaient transpercé d’une force ardente et bienfaisante. Ils me reviennent sans cesse, on ne les oublie pas. 


Voyageur généreux, poète-montagne, curieux de tout, l’univers l’éblouit et l’enflamme. Pas étonnant que l’arrivée de la pandémie, qui a tout suspendu et l’a obligé à une “sédentarité forcée”, a ouvert en lui un nouveau champ d’inspiration.

“Même en observant les arrêtés antipandémiques, il n’a jamais été question de faire du surplace. Pas question de se passer du véhicule magique et réel entre tous, qui a nom Poésie!” Nous voici rassurés (mais on n’était pas vraiment inquiets).


André Velter nous revient avec un bouquet de poèmes composés A contre-peur, qui est une “réplique immédiate” au cours des choses et un préambule à un recueil ample et accompli, Séduire l’univers.





Comment rebondir? Sous peine d’asservissement  à cette “peste mentale,/ qui a surgi  et pris de vitesse/ celle qui rôde partout, à la déloyale”, l’épreuve du confinement incite à un grand sursaut.

“Confinés nous sommes

mais pas finis,

pas interdits d’orgueil

ni de muscle ni de parole.


Enfermés au-dehors,

libres au-dedans,

à l’assaut de ce qui sauve:


le vertical en nous,

le sommet qui a force d’âme.”


Il y a chez Velter un goût immodéré pour les départs, les horizons lointains, l’appel de la route. Partir sans crier gare, toutes affaires cessantes.

“La route nous inventait le plus souvent.

Elle était sans pardon, mais nous pardonnait tout

quand le départ se décidait à l’arraché”.


Dans ce nouveau livre, on retrouve tous les ingredients qui nous plaisent dans son oeuvre. Les affinités électives, la complicité de ces compagnons de route d’hier et d’aujourd’hui: Omar Khayam et René Daumal, Robert Desnos et Henri Michaux, Joseph Conrad et Fernando Pessoa, Pierre Reverdy et Garcia Lorca… et puis aussi, plus inattendu, “le timbre cabossé” de Joe Cocker lorsqu’il chante N’oubliez jamais, ou bien l’évocation de ce maître de gymnastique taoïste “qui réconcilie avec plus vaste que soi”. On se replonge volontiers dans le souvenir d’horizons tant admirés: le Ladakh, qui est la region d’altitude que Velter préfère au monde; les bords du Guadalquivir et le son lointain d’une guitare flamenco. L’Inde y déploie intensément ses sortilèges: voici Bénarès et Jaisalmer, voici les Upanishads et “les mots de l’indicible” que célèbrent les Bâuls.


Velter est le poète de la marche forcée, le poète champion de l’altitude. Il sait, mieux que personne, ce que “marcher au plus abrupt” veut dire. On l’imagine arrivé en haut du col et “jeter les yeux de l’autre côté”. Ce qu’il appelle l’alliance magique de l’altitude et du vide. Expérience unique et inoubliable. Fondatrice. Et il ajoute: “Là, et là seulement, tout est divin sur terre.”


Ce livre est aussi un hymne à l’amitié et à l’amour. Immanquablement.

“Dans mon éternité à moi,

il y a les femmes que j’ai aimées

et que j’aime, à jamais.”

Hymne à la présence secrète et à la solitude. Une solitude habitée, enchantée: “être seul/ et séduire l’univers”.


L’univers est donc un endroit merveilleux où s’émerveiller, expirer à fond, chanter, vagabonder, vaciller, s’évader:

“En chaque instant

ne pas oublier de s’évader.


En chaque faux pas,

ne pas oublier de s’évader.


En chaque regret,

ne pas oublier de s’évader.”


Il y a chez André Velter une sérénité et une émotion inouïes qui arrivent toujours à m’enchanter, qui ouvrent le chemin à l’insoupçonné et vous invitent à un espace d’intériorité sidérale.


Bruno SOURDIN.



André Velter: Séduire l’univers (avec sept tracés sonores de Jean Schwarz), précédé de A contre-peur (avec quatre ciels de Marie-Dominique Kessler), Gallimard, 2021.







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