08/03/2014

Un moment de jeunesse fleurie


A Daniel Martinez
« Puisque c’est mon moment de jeunesse fleurie,
Je bois, car mon bonheur ainsi se fortifie.
Ne me reprochez pas que mon vin soit amer :
Cette amertume est celle-même de la vie. »
(Omar Khayam)

  

Dans cette rue de Djerba, tu as longuement marché sans but sous le ciel harassant à la recherche d’un regard fragile. Des éclats de joie montaient de la mer et des barques languissaient. Des crapauds s’enflammaient. La nuit, des fenêtres s’ouvraient et claquaient dans le vent et tu guettais éperdument l’amitié des sirènes.
L’enfance,
les sables,
les citronniers,
le sirocco,

les escaliers,
la mer.
Je te salue vaporeuse nuit d’été, le rideau tombe et le rêve s’est achevé.
L’enfance,
la clarté
et cette amertume qui est celle de la vie.

Dans cette rue de Sousse, tu as longuement glissé et tu t’es englouti à la recherche d’un frisson exquis. Des rumeurs lancinantes montaient de la mer et des palmiers s’allumaient. Des débris de jarres dansaient. La nuit, tu tournais la clé des catacombes et tu guettais ardemment la grâce espiègle de ton fantôme familier.
L’enfance,
le grenier,
les amandiers,
la mer.
Je te salue foisonnante nuit d’été. Le rideau tombe et le songe s’est achevé.
L’enfance
la transparence
et cette amertume qui est celle de la vie.


Dans cette rue de Tunis, tu as longuement paressé et tu t’es engouffré à la recherche d’un visage perdu. Des souffles délicieux montaient de la mer et les nuages s’effilochaient. Des grives chantaient jusqu’au crépuscule. La nuit, la maison vide frémissait et tu guettais follement la présence de tes ombres silencieuses.
L’enfance,
les couloirs,
les oliviers,
la mer.
Je te salue douce nuit d’été, le rideau tombe et la vision s’est achevée.
L’enfance,
le refuge
et cette amertume qui est celle de la vie. 
Bruno Sourdin 
(A propos de "Terre entière", de Daniel Martinez, éditions Les Deux-Siciles, 2012.)

*

Né à Alger en 1958, Daniel Martinez a passé son enfance en Tunisie sur l'île de Djerba. Sa famille a déménagé à Sousse pour son entrée en 6e, plus tard il fut interne au lycée de Tunis. Une période rêvée. Il vit aujourd'hui à Ozoir-la-Ferrière et travaille à Paris. La poésie est toute sa vie.
Daniel Martinez est l'animateur de la revue "Diérèse", qu'il a créée en 1998. 60 numéros sont parus à ce jour. Parallèlement, il dirige une petite maison d'édition, Les Deux-Siciles, qui compte à ce jour une quarantaine de titres.  Il a conçu "Diérèse" comme "un lieu littéraire où se rencontrent, un peu comme au café, des gens connus ou inconnus". Il tient à ce "métissage de la parole". La revue aborde les sujets aussi divers que le cinéma, les artistes maudits, la contre-culture (le  numéro 16 a été consacré à Claude Pélieu) ou bien au contraire les habitués de la NRF. Elle a publié Michel Butor, Jean Rousselot, Henri Meschonnic, Jean-Claude Pirotte... Le numéro 52-53 est un spécial Thierry Metz, conçu par Daniel Martinez et Isabelle Lévesque. Une part importante de la revue est ouverte à la poésie internationale (inédits de Pasolini, Garcia Lorca, Corso...).



Jacques Coly et Daniel Martinez à la terrasse du café Paris Les Halles, rue de la Cossonnerie..



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