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Pascal Ulrich, l'Ours Pascal. |
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Gérard Lemaire, le Poète. |
J’ai eu une belle et importante correspondance avec Pascal Ulrich. Tout a commencé par des phrases légères, des lettres fraîches et apaisantes, fraternelles et généreuses, remplies de couleurs et de formes éblouissantes, des lettres où il pouvait s’exclamer: « Le monde est beau, la roue est libre. »
Quand Pascal n’arrivait plus à écrire, il dessinait et là, il était vraiment libre.
Pascal Ulrich était un être surprenant. J’ai eu la joie de le rencontrer à Paris (en 1999 je crois), avec Richard Belfer qui avait concocté un numéro de son « Tamanoir » revisité par « l’Absurde Crépuscule » de l’Ours Pascal. Rencontre étonnante. Nous l’avons vu débouler à Paris et nous éblouir de sa fureur de vivre. Insouciant et famélique. Libre de toute contrainte. Irrésistible.
J’ai eu aussi une correspondance abondante avec Gérard Lemaire. Lui ne dessinait pas mais il joignait toujours trois ou quatre poèmes à ses lettres brèves. C’est ainsi qu’il fonctionnait: un petit mot et des photocopies de poèmes. En onze années de correspondance, j’en ai compté plus de 200 ce qui est très étonnant et inhabituel.
J’aimais chez Gérard son acharnement à écrire de la poésie et son obstination à publier, coûte que coûte, dans les revues les plus rares, les plus inattendues. Beaucoup de ces poèmes que je reçus étaient inédits. La légende dit qu’il en avait plusieurs milliers. Il écrivait sans cesse.
Pascal Ulrich, Gérard Lemaire: il était inévitable que ces deux écrivains hors norme s’écrivent. Inlassablement. Tous deux rejetaient profondément la société dans laquelle ils vivaient et ses valeurs. Tous les deux étaient des hommes révoltés.
Leur correspondance vient d’être réunie par Robert Roman et ses éditions du Contentieux. Un livre magnifique qui rend hommage à « deux écorchés vifs » aujourd’hui disparus, Gérard « teigneux et provocateur », Pascal « hypersensible et généreux ». Tous les deux, remarque Didier Trumeau dans son avant-propos, ont « un besoin essentiel de communiquer et pour le reste une créativité sans limite dans l’art de la poésie (10 000 poèmes pour Gérard), doublé pour Pascal d’une production graphique originale, prolifique et unique qui a gravité partout sur terre via le mail-art ».
Tous les deux ont quitté ce monde. Gérard a été emporté par une rupture d’anévrisme dans une nuit d’octobre 2016. Il avait été hospitalisé pour un oedème pulmonaire et ne supportait pas les contraintes médicales, il avait cessé d’écrire des poèmes.
Pascal Ulrich l’avait précédé de 7 ans. A cette époque, il buvait beaucoup, ne dessinait presque plus et en janvier 2009 avait fait un nouveau délirium tremens. Le 1er mars à Strasbourg, dévoré par la souffrance, Pascal a sauté depuis la fenêtre de son appartement qui se trouvait au 5e étage. Les enquêteurs ont conclu au suicide avec forte absorption d’alcool et de drogues.
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Sa dernière lettre, 31 janvier 2009. |
Dans une lettre d’août 1997 qu’il m’avait envoyée et qui avait tout de prémonitoire, il me confiait, devant les portes de l’enfer : « Il faut bien passer le temps, hein ! ? Et ça avant le grand saut. » Ou dans cette autre lettre qui me donne toujours, lorsque je la relis, la chair de poule, il résume ses terribles tensions: « Écrire un bref poème, réaliser un minutieux dessin, admirer les nuages, puis sauter par la baie… »
Bruno SOURDIN.
Pascal Ulrich - Grand Lemaire: « Plutôt la conscience de la damnation », correspondance, poésie et art postal, 1996-2000, Éditions Le Contentieux (7, rue des Gardénias, 31100 Toulouse).
Chez le même éditeur, Robert Roman a publié deux livres importants consacrés, l’un à Pascal: « Pascal Ulrich, le rêveur lucide »; l’autre à Gérard : « Gérard Lemaire, un poète à hauteur d’homme ».
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