21/09/2013

Po Chu Yi


Le monde est plein de bruits et de fureur
Il fait froid
Trop paresseux pour me lever
Les pensées en désordre
J’ouvre mon vieux livre de poèmes
Je pense à l’endroit où personne ne vient
Je pense aux arbres, aux nuages et aux rochers
Je pense à l’odeur des herbes
Je pense aux corbeaux de la montagne
Je pense au jardin de Lo Yang
Je pense aux deux grues qui savent danser
Je pense à Po Chu Yi
Je pense au poète tranquille et oisif
Je pense au parfum du vin
Je pense au son de la pluie
Je pense au goût du ciel
Je pense à la nuit profonde et silencieuse
Je pense au poète qui s’enivre et dort profondément
Je pense au bon vent dans le clair de lune
Bruno Sourdin
(L'Air de la route)

19/09/2013

C'est quoi cette vie ?

à Guy Allix

Sur l’écran de contrôle
Luisant prodigieux
Étrange
Un univers de planètes sans cesse changeant
Couleurs étincelantes
Nuées d’oiseaux effarés
Un chien aboie sans fin
Regards vides
Ici la tendresse ne court pas les rues
Vieux singe décrépi
On titube de fatigue
Le temps perdu, l’ivresse si rare
La mort
Là-haut la lune brille intensément
Comme un poème
Comme un commencement
Presque rien
La seule joie d’exister
Oui c’est là ce que nous avons de meilleur
Et tout le reste est vain
Bruno Sourdin
(L'Air de la route)

14/09/2013

Puisqu'il me faut quitter cette terre

Puisqu’il me faut quitter cette terre où je ne reconnais plus rien, ni les rivières ni les arbres ni l’eau ni le vent
Je ne voudrais pas partir sans dire adieu à l’étoile qui me suivait
Adieu à l’air du printemps, au cri des corbeaux oiseaux vagabonds
Adieu à l’esprit du tonnerre et de la fumée, à l’esprit qui souvent proteste
Adieu aux nuages et à l’herbe fraîche
Adieu à la machine à pluie, à l’arc-en-ciel laissé à l’abandon
Adieu à la plus belle nuit de ma vie, à cet étrange sentiment d’éternité
Adieu à la foudre dans le vide obscur
Adieu à mes enfants aux yeux de soleil, société secrète des corps immobiles
Adieu aux galops des chevaux, cliquetis incessants de la pendule
Adieu à ma maison pleine de livres
Adieu aux foules sans noms, têtes de mourants terrifiés
Adieu aux mamans brûlées vives entre les mains de la bombe
Adieu aux visages cloqués et écorchés, muses irradiées accablées de chagrin dans la nuit qui tonne
Adieu aux esprits anéantis avalés par le champignon géant, aux esprits rampant dans leurs excréments
Silhouettes écorchées, restes calcinés des villes, peaux arrachées, décombres en flammes
Adieu au crépuscule de fer
Adieu poème mort
Je ne voudrais pas quitter cette terre sans dire adieu à ma douce mère, frères humains méconnaissables
Adieu hirondelles âmes brillantes et salut aux nouveaux fantômes déjà en marche dans l’inconnu
Bruno Sourdin
(L'Air de la route)