De toutes les revues qui ont pris leur envol dans années 70, Mai hors saison est celle qui m’a le plus durablement ébloui. On y retrouvait les cris de révolte d’écrivains héritiers de Mai 68, ainsi que des voix singulières et différentes comme peuvent l’être celles de Théo Lésoual’ch, Paul Valet, Guy Darol, Zéno Bianu ou Serge Sautreau… J’avais vraiment adoré le petit livre consacré à Nanao Sakaki, le grand poète vagabond japonais, et, dans le n° 12, les merveilleux poèmes du cinéaste californien James Broughton : « Je veux troubler et réveiller. Extase pour tous ! »
Guy Benoit, le concepteur de cette formidable revue, a porté l’expérience pendant près de 40 ans, jusqu’au numéro 15, où il revenait sur la guerre d’Algérie, si cruellement vécue, en nous donnant à lire quelques lettres qu’il avait envoyées à ses parents ainsi qu’un poème lapidaire disant « la sourde colère des torrents après l’orage ».
De retour en Mayenne, le pays de sa naissance, Guy Benoit a repris en volume trois recueils parus du temps de Mai hors saison (Exercices de guerre lasse, Pas tout à la finet La Salle du bout, que j’avais beaucoup aimé) :
« des mots
passés sur l’autre rive
à dire
les syncopes de l’air
et du silence
ils disent de quoi
demain ne sera pas »
Il y adjoint L’Anxure, du nom d’une rivière mayennaise, pour faire écho à la nouvelle vie que cet ancien veilleur de nuit du musée Bourdelle peut résumer en trois belles injonctions : « écouter l’herbe qui pousse, dialoguer avec les vaches et acquérir cette faculté supérieure : ruminer ».
Ce qui m’a le plus frappé dans ce livre beau et profond c’est la place qu’a prise l’apprentissage de la mort dans la démarche du poète. La mort n’est pas le but mais elle est partout présente, il serait vain de l’ignorer:
« sous un ciel noyé
de reflets d’ardoises, ma mort
se prépare à mourir
couramment me dépasse
d’une obscurité
par-delà les haies
où il y a longtemps »
A travers les craquelures du temps, Guy Benoit se cogne contre les bruits du monde. « Et malgré tout nous prétendons/ à une pensée de tous les instants ». Il écrit la vie, l’extinction, sa soif de repos et cette joie qui manque.
« la maison de mort
est devenue la maison».
Bruno SOURDIN.
Guy Benoit: L'Anxure, suivi de Exercices de guerre lasse, Pas tout à la fin et La Salle du bout. Préface de Jean-Claude Leroy. Gravures de Maya Mémin. Editions Les Hauts-Fonds (22, rue Kérivin, 29200 Brest).
* * *
Article publié dans la revue Quetton l'Arttotal.
Quetton est une revue underground fondée en juin 1967 par JF Rocking Yaset "pour le bonheur des scélérats, des esthètes et des lecteurs para normaux".
Numéros 36 et 37, décembre 2018.
(Quetton l'Arttotal, BP344, 50103 Cherbourg Cedex)
Article publié dans la revue Quetton l'Arttotal.
Quetton est une revue underground fondée en juin 1967 par JF Rocking Yaset "pour le bonheur des scélérats, des esthètes et des lecteurs para normaux".
Numéros 36 et 37, décembre 2018.
(Quetton l'Arttotal, BP344, 50103 Cherbourg Cedex)
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