Michel Renouard, un universitaire breton, doué d'une culture encyclopédique et auteur de romans policiers. |
On a beau
être un universitaire rigoureux, cela ne vous empêche pas de cultiver la satire
et l’humour le plus débridé. Et en matière de fantaisie, Michel Renouard s’en donne à cœur joie. Après les enquêtes
policières de Gabacho, voici celles du commissaire Achille Corneille, toutes
aussi désopilantes les unes que les autres. La dernière en date, Le Siamois de Brest, est une histoire tout à fait insensée, un vrai régal.
Tout commence par la découverte, dans un
bois près de Brest, du corps d’un étudiant né en Corse d’un père
indo-thaïlandais et d’une mère corse de Pondichéry ! Sur le plan
diplomatique, l’affaire est délicate : l’Inde et la Chine s’intéressent de
très près à l’enquête... Avec une parfaite désinvolture, l’auteur met en scène
des personnages improbables, comme ces deux chinois au visage hilare,
« une tour Eiffel à la main", ou ce vieux prêtre en soutane, aumônier à mi-temps
chez les religieuses des Très Saints Stigmates, qui fume cigarette sur
cigarette, le bréviaire à la main… Et puis il y a Bouchemaine, cet agrégé
spécialiste de l’Inde, qui ressemble si étonnamment à son auteur : il
parle une douzaine de langues, il a étudié le sanscrit, le thaï et le breton,
qu’il trouve « trop facile, comme l’anglais », il a vadrouillé aux
quatre coins du monde, il a ses habitudes à Bombay et a vécu longtemps à
Rennes, « la capitale du crachin ». Le commissaire Corneille est, lui aussi, un personnage haut en couleur: c'est un homme prudent qui s'attend toujours au pire, il a une sainte horreur du sport et, comme son auteur, il aime à se rappeler le temps heureux de son enfance, "un temps d'extrême pauvreté mais chargé d'amour discret et de grandes espérances". Ce roman policier ouvre d’innombrables portes, y compris avec des éléments autobiographiques codés et cachés.
Michel
Renouard est un écrivain aux multiples facettes. L’humour n’est pas sa seule
tasse de thé, loin s’en faut. Il a longtemps enseigné l’anglais à l’université de Haute-Bretagne et est devenu un
des spécialistes de la littérature anglo-indienne. Il a créé un laboratoire de recherches, le Sahib (Société
anglo-indienne et histoire de l'Inde britannique) et lancé la revue Les
Cahiers du Sahib, qui, dans ce domaine, a fait autorité.
C’est aussi un grand voyageur,
qui a passé sa vie à étudier les langues et la manière dont elles fonctionnent.
C’est ainsi qu’il s’est intéressé au
sanscrit et, plus récemment, au thaï, une langue particulièrement complexe,
pour en décortiquer la mécanique et la grammaire.
Et puis,
en 2007, il y a cet extraordinaire roman d’espionnage, L’Indien du Reich. L’action se passe en 1942. L’Inde fait alors
partie de l’Empire britannique. Un nationaliste indien, Subhas Chandra Bose,
vient se réfugier en Allemagne. Il espère qu’Hitler l’aidera à obtenir
l’indépendance de son pays. A Berlin, il est accueilli comme un véritable chef d’Etat
par les dignitaires nazis. Hitler accepte que soldats indiens qui ont été faits
prisonniers sur les champs de bataille soient regroupés dans des camps
spéciaux. Une armée de 2000 hommes ne tarde pas à se constituer. Bose,
« l’Indien du Reich », rêve d’en découdre par les armes. Les nazis le
protègent : sur leur échiquier, il est un pion qui pourrait un jour les
servir. Mais ils se méfient aussi de lui et le surveillent de près…
Sur cette
trame historique parfaitement authentique, Michel Renouard a imaginé une
formidable opération, baptisée Bushido. A Carlisle, dans le nord de
l’Angleterre, un service ultrasecret d’espionnage et d’actions spéciales décide
d’envoyer deux hommes à Berlin pour tuer Bose. Le choix se porte sur un riche Anglo-Indien de mère
allemande. Un curieux bonhomme, ce Kristen Loyd. Ancien élève des jésuites, il
passe ses journées à apprendre des langues et à cajoler ses chats. C’est un
homme libre. Il est assez fou pour accepter la mission. Son compagnon est un
Gurkha qui lui sert de majordome, de cuisinier et de garde du corps. Et voici
deux excentriques lancés dans un beau sac de nœuds !
L’aventure
va les mener à Malte, dans l’Italie fasciste puis à Berlin. Transformé en
dignitaire de l’église catholique, Kristen Loyd va arriver en voiture
diplomatique au cœur de l’Allemagne nazie. Il réussira à vaincre les obstacles
et à se retrouver en tête à tête avec l’Indien du Reich. « Tous deux étaient là aujourd’hui face à face, au milieu de ces
roses symboles d’amour et de beauté, si parfaites en effet. »
Plus récemment, Michel Renouard a
signé deux magnifiques biographies d’écrivains, celle de l’insaisissable T. E.
Lawrence (Lawrence d’Arabie), puis celle de Joseph Conrad, le grand romancier
de langue anglaise, auteur de Lord Jim
et Au cœur des ténèbres. Passionnant.
B.S.
Michel
Renouard est l’auteur de près d’une cinquantaine de livres, parmi
lesquels je retiens :
Lumière sur Kerlivit, Desclée de Brouwer, 1964. Réédité en 1988 aux éditions Elor.
La Littérature indienne de langue
anglaise, Presses universitaires de
France, coll. Que sais-je ?, 1997.
Histoire et civilisation de la Méditerranée, éditions Ouest-France, 2006.
L’Indien du Reich, éditions Privat, 2007.
Naissance des écritures, éditions
Ouest-France, 2011
Lawrence d'Arabie,
Gallimard, Folio biographies, 2012.
Joseph Conrad, Gallimard, Folio
biographies, 2014.
Le Siamois de Brest, éditions du
28 août - Gisserot, 2016.
Son premier roman, "Lumière sur Kerlivit", est un livre pour la jeunesse. |
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