Photo Catherine Hélie © Éditions Gallimard |
Entre
deux rêves, entre la vie et la mort, Zéno Bianu dévore son siècle à belles
dents. Il jubile, il sème, il allume des brasiers. Il marche en éclaireur, c’est
un homme habité, il se démultiplie mais il n’adhère à aucun credo. Dans le
sillage du Grand jeu, il a arpenté « les pays sombres de l’esprit »
et il s’est imprégné de spiritualité orientale. Comme Roger Gilbert-Lecomte, il
a fait le choix du vertige et a osé regarder le soleil en face :
fugitif
en apnée foudroyante
tu dérives
par la rue de derrière les murs
pour rejoindre
le chemin de vie des morts
La
poésie de Zéno Bianu est ouverte au monde, elle se module à l’écoute des
turbulences et des tremblements de la planète : de Venise à New York, de
Paris à Bénarès la lumineuse, où coule le Gange, « fleuve des premiers et
derniers soupirs » :
vers la source je remonte
vers ma source de haute altitude
vers mon glacier d’origine
au-delà des torrents du tumulte
malgré les ensablements
malgré les barrages
je remonte en amont
vers le cristal premier
Né à
Paris en 1950, Zéno Bianu est un poète majeur d’aujourd’hui. Il fut, aux côtés
de Michel Bulteau et de Matthieu Messagier, l’un des signataires du Manifeste électrique aux paupières de jupes
qui secoua le monde poétique des années 70. Passionné par les écritures
« à haute voix », il a suivi une trajectoire singulière et inévitable
aux frontières de la poésie, du théâtre et du récital-jazz. Ses poèmes entrent
volontiers en résonance avec la pulsation du jazz, il sait comme personne dire
les fulgurances de Thelonious Monk, « ses pas de danse au bord du
vide », ou se laisser submerger par la présence incroyable du saxophone de
John Coltrane, « gisant vertical / guetteur d’étoiles filantes / porté par
la grâce et la mort ».
Bouleversé
à 18 ans par la lecture d’Antonin Artaud, qui lui révèle le pouvoir
d’invocation du poème, Zéno Bianu ouvre
mille espaces aimantés pour lui faire écho et faire revivre le chant de la
langue. Sa poésie nous traverse et nous parle au plus profond de nous. Elle
nous est infiniment proche.
Bruno
Sourdin
A
l’occasion ses 50 ans, la collection Poésie/Gallimard rassemble deux ouvrages
de Zéno Bianu, Infiniment proche et Le désespoir n’existe pas. Avec une
magnifique préface d’Alain Borer : « Au fond, Zéno Bianu est un poète
nucléaire. Contemporain de la physique atomique. Passé de l’électrique au
nucléaire. »
De son
côté, Le Castor Astral fait paraître Satori
express, un beau livre qui revisite « une certaine tradition de
l’éloge » (d’Artaud à Kerouac, de Gilbert-Lecomte à Coltrane) et de
l’hommage aux lieux « électifs », comme New York et Bénares.
On passe sa vie à louper des trucs, à faire la même chose avec les gens. Merci pour cette belle découverte.
RépondreSupprimerAmitiés.
Roger