A Daniel Martinez
« Puisque
c’est mon moment de jeunesse fleurie,
Je bois, car
mon bonheur ainsi se fortifie.
Ne me
reprochez pas que mon vin soit amer :
Cette
amertume est celle-même de la vie. »
(Omar Khayam)
Dans cette rue de Djerba, tu
as longuement marché sans but sous le ciel harassant à la recherche d’un regard
fragile. Des éclats de joie montaient de la mer et des barques languissaient.
Des crapauds s’enflammaient. La nuit, des fenêtres s’ouvraient et claquaient
dans le vent et tu guettais éperdument l’amitié des sirènes.
L’enfance,
les sables,
les citronniers,
le sirocco,
les escaliers,
la mer.
Je te salue vaporeuse nuit
d’été, le rideau tombe et le rêve s’est achevé.
L’enfance,
la clarté
et cette amertume qui est
celle de la vie.
Dans cette rue de Sousse, tu
as longuement glissé et tu t’es englouti à la recherche d’un frisson exquis.
Des rumeurs lancinantes montaient de la mer et des palmiers s’allumaient. Des
débris de jarres dansaient. La nuit, tu tournais la clé des catacombes et tu
guettais ardemment la grâce espiègle de ton fantôme familier.
L’enfance,
le grenier,
les amandiers,
la mer.
Je te salue foisonnante nuit
d’été. Le rideau tombe et le songe s’est achevé.
L’enfance
la transparence
et cette amertume qui est
celle de la vie.
Dans cette rue de Tunis, tu
as longuement paressé et tu t’es engouffré à la recherche d’un visage perdu.
Des souffles délicieux montaient de la mer et les nuages s’effilochaient. Des
grives chantaient jusqu’au crépuscule. La nuit, la maison vide frémissait et tu
guettais follement la présence de tes ombres silencieuses.
L’enfance,
les couloirs,
les oliviers,
la mer.
Je te salue douce nuit d’été,
le rideau tombe et la vision s’est achevée.
L’enfance,
le refuge
et cette amertume qui est
celle de la vie.
*
Né
à Alger en 1958, Daniel Martinez a passé son enfance en Tunisie sur l'île
de Djerba. Sa famille a déménagé à Sousse pour son entrée en
6e, plus tard il fut interne au lycée de Tunis. Une période rêvée. Il vit aujourd'hui à Ozoir-la-Ferrière et travaille à Paris. La poésie est toute sa vie.
Daniel
Martinez est l'animateur de la revue "Diérèse", qu'il a créée en
1998. 60 numéros sont parus à ce jour. Parallèlement, il dirige une petite
maison d'édition, Les Deux-Siciles, qui compte à ce jour une quarantaine de
titres. Il a conçu "Diérèse" comme "un
lieu littéraire où se rencontrent, un peu comme au café, des gens connus ou
inconnus". Il tient à ce "métissage de la parole". La revue
aborde les sujets aussi divers que le cinéma, les artistes maudits, la contre-culture
(le numéro 16 a été consacré à Claude Pélieu) ou bien au contraire les
habitués de la NRF. Elle a publié Michel Butor, Jean Rousselot, Henri Meschonnic, Jean-Claude Pirotte... Le numéro 52-53 est un spécial Thierry Metz, conçu par Daniel Martinez et Isabelle Lévesque. Une part importante de la revue est ouverte à la poésie
internationale (inédits de Pasolini, Garcia Lorca, Corso...).
Jacques Coly et Daniel Martinez à la terrasse du café Paris Les Halles, rue de la Cossonnerie.. |
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