07/10/2024

L'agonie d’un enfant de cirque dans les bras de sa mère

 

"Les Saltimbanques", dit aussi "L'Enfant blessé" ou "La Victime", 1874.

Gustave Doré est un prodigieux dessinateur, un illustrateur de génie, le plus grand illustrateur du XIXe siècle. Ses ouvrages ont été édités dans toute l’Europe et lui ont apporté la célébrité. Il a une formation de caricaturiste. Il aime les monstres, les figures pittoresques, les expressions pathétiques. Il est à la fois lyrique et fantasque, rêveur et féroce. Il a adoré représenter les assauts de Don Quichotte contre les moulins à vent. Il a excellé dans l’illustration des oeuvres de Rabelais, des Contes de Perrault, de la Légende du Juif errant ou de l’Enfer de Dante. On lui a attribué plus de dix mille gravures. 


Mais lui se veut peintre avant tout. La peinture reste certainement l’aspect le plus méconnu de son oeuvre. Il a peint des paysages, des sujets religieux, des tableaux d’histoires, des scènes de genre… Cette peinture est puissante mais elle n’a pas été reconnue comme elle aurait dû l’être, il est temps aujourd’hui de la réévaluer.


Doré est fasciné par le monde des saltimbanques, des acrobates et des bateleurs. Il aime les scènes de spectacle, les costumes pailletés, le bruit des cuivres et des tambours. « Les Saltimbanques » est une manière de chef-d’oeuvre. C’est une grande huile sur toile datant de 1874. Elle est conservée au musée de Clermont-Ferrand et prêtée actuellement au musée de Cherbourg. On y découvre un accident survenu à un jeune acrobate de cirque qui agonise dans les bras de sa mère, sous les yeux de son père, impuissant.


La toile a été conçue en Angleterre par Gustave Doré. Pendant quatre ans, le peintre a exploré la ville de Londres. Il a découvert les conditions misérables de travail des enfants et s’en est offusqué. Il a représenté un enfant blessé qui allait mourir, « tué par ses parents pour l’appât du gain » et, a-t-il précisé à une journaliste anglaise qui visitait son atelier, que ses parents « ont découvert dans ce drame qu’ils ont du coeur ». L’enfant est très pâle. A son sang à la tête répond « la larme sur la joue de sa mère, comme une Piéta profane », explique la commissaire de l’exposition, Laure Hallet. « Deux chiens dressés le pleurent également. Le tableau peint le basculement entre la comédie et la tragédie, le spectacle de cirque qui tourne au cauchemar ».




Le tableau a été prêté au musée de Cherbourg pour une exposition très originale intitulée « Prédictions, les artistes face à l’avenir ». L’enfant va-t-il vivre ou mourir? « Pour continuer à espérer », la mère a disposé sur le sol des cartes à jouer en demi-cercle. Un hibou est enchaîné à ses côtés. Il représente le danger et la magie. Or, le jeu de tarot apporte une réponse claire: l’as de pique est sorti. C’est la carte la plus néfaste du jeu. Elle annonce sans ambiguïté que l’enfant va mourir.


Bruno SOURDIN.



« Prédictions, les artistes face à l’avenir », au musée Thomas-Henry de Cherbourg, jusqu’au 16 octobre.

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