01/10/2024

Le monde fabuleux de Nicolas Eekman


 

Nicolas Eekman est un artiste injustement oublié. 

Il connaissait bien les avant-gardes de son époque: l’expressionnisme (qui, au début de sa carrière, l’a tenté), le cubisme, l’abstraction (à Paris il était très proche de Piet Mondrian, son compatriote), le surréalisme (il était ami de Max Ernst). Il n’ignorait rien des grands courants de l’art moderne, il n’a pas été insensible à leurs découvertes, mais il a choisi un chemin plus personnel, dans la lignée des grands maîtres flamands, Pieter Bruegel l’Ancien et Hieronymus Bosch, comme l’avait fait un peu plus tôt à Ostende James Ensor.


Hollandais né à Bruxelles en 1889, dans la maison où vécut Victor Hugo dans son exil, Nicolas Eekman est un grand coloriste et un virtuose de la composition.


Pendant la Première Guerre mondiale, un ami pacifiste, pasteur, l’invite à séjourner aux pays-Bas au presbytère de Nuenen, où a vécu naguère la famille Van Gogh et où Vincent a peint.


En 1920, il décide de s’installer à Paris. Ce sera définitif. Il fréquente le quartier de Montparnasse, où il retrouve des compatriotes flamands, Kees van Dongen, Georges Vantongerloo… En 1928, il expose ses oeuvres en compagnie de Mondrian, dont le travail est pourtant l’opposé du sien. Mais qu’importe, c’est un ami et leur amitié est profonde.


Pendant l’Occupation, connu pour ses idées socialistes et sa proximité avec la Résistance, il craint d’être arrêté par les Nazis et se réfugie au Pays Basque, en zone non-occupée. Il change sa signature et devient Ekma.

 

 


"Le Quatuor de la zone"

Toute sa vie, Nicolas Eekman a poursuivi un dialogue essentiel avec les maîtres flamands qu’il aimait tant. Dans Le Quatuor de la zone, il rend hommage à Bruegel et à sa Parabole des aveugles - qui se suivent en file indienne, on s’en souvient, et finissent par tomber dans un trou. Il remplace les aveugles par des musiciens vagabonds.

 



"Sortilèges"


Dans Sortilèges, une sorcière dont on admire l’impressionnant profil, s’est associée à un oiseleur qui tient dans sa main un chardon (symbole de son engagement) et a enfermé un hibou dans un globe. Le hibou illustre traditionnellement le thème de la séduction mais représente aussi le diable qui prend l’apparence de l’innocence pour conduire les humains à leur perte.Une scène qui, avec ses détails fantastiques, s’inscrit dans la droite ligne de Bosch.



"Cavalcade"
 
Chez les peintres flamands primitifs, Eekman reconnait ses vraies racines. Les références à Bosch sont omniprésentes, à l’image de ces grelots dans Cavalcade qui sont traditionnellement associés à la folie, ou bien ce bleu obsédant d’une tunique, bleu que Bosch associait à l’hypocrisie et à la tromperie.




"Poissons volants"

En mai 68, Nicolas Eekman est marqué par les violences policières contre les manifestants étudiants. Il évoque ce thème dans Poissons volants et laisse libre cours à son imagination en peignant un personnage qui attrape dans son épuisette les paroles émises par des haut-parleurs.


Au fur et à mesure que les années passent, sa peinture se fait de plus en plus fantastique.

 


"Le Petit Cheval de bois"

"L'Arête"


"Mascarade"

La carnaval, les masques, les déguisements font partie intégrante de son inspiration, suivant ainsi l’influence de James Ensor avec qui il partageait une vision sarcastique de la vie. Et une admiration sans borne pour la peinture flamande ancienne. Dans Mascarade, des figures masquées apparaissent, inquiétantes et énigmatiques, alors qu’au premier plan, un arlequin présente un miroir à un singe, qui mime la méchanceté des hommes.



"Nu au totem"

Dans Nu au totem, une prêtresse d’un culte mystérieux rend hommage à une divinité monstrueuse, un âne au corps de lion. Eekman laisse aller sa fantaisie en utilisant le beau visage de son épouse, figure centrale des tableaux des années 70.

 

 

"Deux jeunes filles nues se coiffant"


"La légende de Till l'Espiègle"

Le monde fabuleux de Nicolas Eekman apparait indissociable de celui de Till l’Espiègle, le personnage facétieux et insoumis, dont il a mis en scène avec brio les aventures rocambolesques. Il s’est beaucoup identifié à ce farceur flamand célèbre qui lui ressemblait beaucoup.


Bruno SOURDIN.




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