28/11/2021

" Salir les murs. Salir le blanc "

 

Claude Audouard, en lumière ultraviolette.                                        (Photo Ouest-France)

C’est une pièce toute simple, aux murs peints en blanc. Un cube. Vide. Au plafond, quatre néons. Lumière blanche.

Tout de suite on pense à Yves Klein et à son apologie du vide. Rien à voir que le vide. Un espace immatériel qui a tant fasciné dans les années 1970. Une apothéose de l’art conceptuel.


Dans une galerie aux murs totalement blancs, aux Bouillons Kub d’Orval (1) où il présente une exposition interactive, Claude Audouard fait se télescoper deux personnalités irlandaises des années 1970. D’un côté, l’artiste Brian O’Doherty, qui a conceptualisé le principe de white cube, « à savoir que la blancheur et l’espace cubique constituent un standard universel pour exposer des œuvres d’art ». De l’autre, Bobby Sands et les prisonniers républicains nord-irlandais qui avaient décidé de se laisser mourir de faim à Belfast pour tenter d’obtenir le statut de prisonniers politiques. Enveloppés d’une unique couverture, ils avaient refusé toute nourriture jusqu’à la mort. Thatcher est toujours restée inflexible. Bobby Sands était mort le 1er mars 1981 après 66 jours de grève de la faim. Pour exprimer ses revendications et dénoncer des conditions de détention inhumaines, Bobby Sands avait souillé, chaque jour, les murs de sa geôle avec ses excréments.


Dans la galerie d’Orval, le visiteur est appelé à salir les murs. Comment cela?  La galerie semble entièrement blanche. Des morceaux de craie blanches sont mis à sa disposition pour qu’il salisse le blanc des murs, qu’il les couvre de signes, de traces, de mots. 


A la lumière blanche, on ne voit rien. En revanche, lorsque l’on passe en lumière ultraviolette, les dessins et les mots inscrits sur les murs apparaissent.


« Ce travail, qui s’inscrit dans la droite ligne de l’art conceptuel, appelle à s’interroger sur la représentation de l’espace et de ses normes, souligne Claude Audouard. Un espace institutionnel, la galerie, pour l’un; un espace carcéral, la cellule, pour l’autre. Ces espaces, bien qu’ils semblent très nettement différents, partagent des valeurs: la notion de pureté et de purification, l’isolement entre intérieur et extérieur, la maîtrise et le contrôle de l’espace ainsi que de l’individu. »


Salir les murs. Salir le blanc.


Bruno SOURDIN.


  1. Bouillons Kub, 7, rue des Mares, Orval-sur-Sienne, dans la Manche. Exposition « Salir le white », novembre et décembre 2021.



Pendant la durée de l’exposition, trois oeuvres anciennes de Claude Audouard sont également présentées à la salle de la mairie du village. Des oeuvres des années 1970, à l’époque où l’artiste du Nord-Cotentin mettait en scène des icônes de la société de consommation: Vache qui rit érotique, goutte d’essence Esso, « Art en Rose »… Les expositions de Claude Audouard sont fort rares. Profitons-en.


















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