Pourquoi on aime ça, la poésie? C'est la question pertinente que posait Claude Vercey aux lecteurs de la revue Décharge en 2018. Daniel Abel y répondit longuement, magnifiquement, avec ferveur, à la manière des surréalistes qu'il fréquenta jadis.
André Breton, dont le souffle l'avait beaucoup séduit, lui ouvrit sa porte en 1958, l'adopta et l'invita aux réunions du café la Promenade de Vénus où se retrouvait le groupe. Le drapeau de la rébellion et "l'aspiration au plus être" ne pouvaient que séduire le jeune Abel, qui resta toujours sous le charme de cet homme dont il admirait l'élégance de seigneur, "un esprit incapable de compromission, pareil à du cristal dur".
Comme on le voit très clairement dans sa longue réponse à Claude Vercey, Daniel Abel a conservé du surréalisme le goût du merveilleux, de la surprise et de l'esprit de révolte.
Daniel Abel à Valvins à la maison de Stéphane Mallarmé, septembre 2016. (Photo Bruno SOURDIN) |
“ La poésie est le parfum du réel. Insaisissable et mystérieuse, on apprécie ses tons différents, sa faculté de s'adapter à l'humeur du moment, à épouser l'instant. Elle est alors le haïku, elle peut s'attarder à une minutie, s'éblouir d'une envergure, la poésie on l'aime positive, généreuse quand elle veut la terre habillée de ferveurs, fertile et prometteuse.
Dès l'aube la poésie ouvre une fenêtre... S'étonner, se laisser surprendre, on aime la poésie qui bouscule l'ordinaire, entretient la surprise, « les inventions d'inconnu réclament des formes nouvelles »... « Poète, celui qui brise pour nous l'accoutumance » (Saint-John Perse).
Du Cantique des cantiques au Fou d'Elsa, on aime la poésie qui célèbre la joie des corps, la volupté charnelle. On pourrait rattacher la poésie aux neuf Rasas de l'art indien qui sont les différents aspects de l'existence: la rasa érotique, la comique, l'héroïque, le sentiment du merveilleux, la pathétique, la fureur, la terreur, la rasa de sérénité (1). Dans cet éventail se situent les œuvres anciennes de poètes asiatiques, grecs, romains, aussi celles de Ronsard (la beauté et le temps qui passe ), de Louise Labbé (la flamme amoureuse) à Apollinaire et ses Calligrammes, de Villon à Verlaine pour lequel (« de la musique avant toute chose ») la poésie est mélodie, tandis que pour Rimbaud, « le temps d'un langage universel viendra il sera de l'âme à l'âme ».
Des Cantos de Pound au Chant général de Neruda, au Cahier d'un retour au pays natal, de Césaire, à Liberté sur parole de Paz, j'aime être porté par le verbe des voix hautes, frémissantes d'une aigrette aux tempes en survol des joûtes océanes, qui expriment un grand souffle de liberté effracteur de frontières. Pierre de soleil, Octavio Paz, l'auteur de l'Arc et la lyre, qui a écrit des textes essentiels sur la poésie. Breton, pour sa part, dans la préface à Signe ascendant, en appelle à une « tension vitale tournée vers la santé, le plaisir... », la poésie « a pour ennemis mortels le dépréciatif et le dépressif ». Dans la préface à Cahier d'un retour au pays natal il célèbre la grande voix majeure du langage porté à son plus haut niveau d'effervescence et d'afflux des images.
La poésie nous permet d'exprimer notre révolte. « Seul un vœu en révolte modèle le soleil » (René Char), et Breton: « la révolte, créatrice de lumière »…
La poésie s'efforce aussi de dire beaucoup en peu de mots - l'aphorisme, d'Héraclite à René Char (« Les oiseaux libres ne souffrent pas qu'on les regarde").
Nous apprécions également la poésie qui semble couler de source, s'ouvrir aux correspondances magiques, instantanées, dans une facilité admirable les images s'enchaînent...« Rien ne bougeait au front des palais... j'ai marché réveillant les haleines vives et tièdes et les pierreries regardèrent les ailes se levèrent sans bruit.» Le poète, voleur de feu, voyant, qui rapporte de là-bas des visions foudroyantes. Poésie panthéiste : Soleil et chair, Roman, les émois amoureux, Sensation (« Par les soirs bleus d'été »)... (2).
On participe de la candeur du paysage, on goûte la paix du coeur si nécessaire et c'est aussi pour cela qu'on aime la poésie. ”
On participe de la candeur du paysage, on goûte la paix du coeur si nécessaire et c'est aussi pour cela qu'on aime la poésie. ”
1) Rasa, les neuf visages de l'art indien est le nom d'une exposition qui se tint à Paris au Grand Palais en 1986. Daniel Abel estime que c'est l'exposition qui l'a le plus interpellé. Il y voyait, au delà du cadre de l'Inde et de l'hindouisme, représentés "les différents aspects simultanés, essentiels, qui s'entrecroisent les uns les autres, de notre monde contemporain".
2) On reconnait ici, bien entendu, la poésie vibrante de Rimbaud le Voyant.
Ce texte de Daniel Abel est paru en mars 2018 dans le n° 177 de la revue Décharge, dans la rubrique Ruminations de Claude Vercey.
Site: http://w.w.w.dechargelarevue.com
Courrier: revue.decharge@orange.fr
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Sur Daniel Abel, lire aussi:
http://brunosourdin.blogspot.com/2018/03/daniel-abel-le-poete-fidele-andre-et.html
ainsi que:
http://brunosourdin.blogspot.com/2018/12/plutot-la-vie.html
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Pour l'illustrer en majesté et ouvrir des espaces, Daniel Abel avait accompagné ce texte, d'un long poème, Liberté de poème. Ecrit avec une liberté totale, sans contrôle de la raison. Ce poème était resté inédit.
ainsi que:
http://brunosourdin.blogspot.com/2018/12/plutot-la-vie.html
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Pour l'illustrer en majesté et ouvrir des espaces, Daniel Abel avait accompagné ce texte, d'un long poème, Liberté de poème. Ecrit avec une liberté totale, sans contrôle de la raison. Ce poème était resté inédit.
Daniel Abel à Héricy, septembre 2016. (Photo Bruno SOURDIN) |
LIBERTES DE POEME
« Tout commence en nécessité tout doit finir en liberté » (Maurice Zundel)
L'aile du poème aère le paysage abolit les murailles met à jour l'invisible
par la magie du poème la pénombre lumineuse les orées musiciennes
avec la cascade frémir, rassembler
toutes voix essentielles au plain-chant au choeur obscur des ronces
les hélianthes, leur passion de la pleine lumière
limpidité la vertu la plus claire
éprends-toi de ce qui fulgure
l'étonnement d'abord la perfection peut être
la clairière enrobée des fougères accueille l'éolienne la rosée matinale
dès le petit matin sans réserve le grand large
la caresse du poème affine le murmure rend audible le silence
le poème sait trouver son oreille quand il est écouté
entre les lignes une joie de groseille agrémente la phrase
tout courant d'air téméraire bouleverse le parterre
sur la page blanche le premier papillon qui se veut déserteur
demande au poème d'éclairer ton chemin d'ensemencer tes rêves
qui délaisse la prairie se prive des saisons
l'agrion à la tige les hirondelles au plus haut des nues
le poème de la rivière mouchetée et limpide
le poème de la rivière mouchetée et limpide
le frisson est aussi un poème quand le feuillage est d'or
liberté de carillon allégresse de campagne faconde de clocher les girouettes tournoient
éparpillant, rassemble
élis ta rareté éclos ton insouciance
donne licence à tes rêves d'ouvrir les écluses
à tout instant ajour
tamise la tempête de l'orage retient l'or
l'arc en ciel après le délire fou
une voix d'alouette une javelle dénouée
le poème des blés mûrs des orges et des seigles
le poème des blés mûrs des orges et des seigles
des versants flamboyants de la montagne en fête
nénuphars nymphéas le ballet des libellules
fertilité mot de devenir
le mot doux chante si juste à l'oreille
dès le premier beau jour le papillon s'invite au bal des débutantes
la poésie coule de source au lieu d'amont de l'enfance
passionnément elle se veut échappée échappée
passionnément elle se veut échappée échappée
ne questionne pas engrange
la buée, la rosée ont leur heure bien à elles elles sont essentielles
toute poésie musicale désarçonne les épines déconcerte les ogres
l'aube qui s'empare le soir qui restreint la nuit immense
à tout horizon l'abondance
à tout horizon l'abondance
qui ne dort que d'un œil rêve les yeux ouverts
ultime épure du rossignol une étoile filante quel est ton vœu voyageur?
le poème du ciel pur accepte le blanc nuage
un pas de danse tu sèmes ton âge au premier virage
rajeunir à la vitesse de la lumière….avec ceux qui sont chers
chaque empreinte sur le sable que le jusant musèle
le moindre brin d'herbe qu'humecte la rosée peaufine son profil
butinant la fleur tu respires la prairie
sache revenir enrichi du voyage allégé de toute peur
dire aile penser retour
les enclumes transformées en nacelles
l'école buissonnière du côté des lavoirs les lavandières et l'écume joueuse
les hirondelles la liberté des ailes le rubis du couchant
aurons-nous assez d'une vie pour épuiser les allées forestières ?
où bondit l'écureuil le renard pointe l'oreille.
la résonance plus que l'écho
non pas copier inventer et construire
tout petit mot qui se veut catapulte
ce qui s'appose au murmure devient le murmure
les ailes effleurant les miroirs demeurent infatigables
les ailes effleurant les miroirs demeurent infatigables
le jardin qui s'envole t'invite à le rejoindre
parle fougères inaltérables cimes accessibles
automne du langage printemps poivré de la langue
aimer l'inconnaissable quêter l'insaisissable
l'écume face au roc tutélaire
toute poésie qui cautérise la blessure rend l'oubli obsolète
avec le premier oiseau aisance et envergure
le plus tôt possible gagne la juste altitude conforme à ton orgueil
sois le tronc aussi les ramures porte haut le dialogue
l'étincelle : elle n'est jamais en repos
en l'aubier le nid qui se prépare la forêt de l'éveil
persévérer ne pas s'aveugler s'éblouir
tout saule pleureur qui se vêt du fou rire
quand l'eau se fait lente la rivière est parloir les ombres lèchent les berges
le reflet du poème dans le livre d'images
la poésie parle bas à la bruyère haut à la montagne
les oiseaux libres ne s'acceptent pas immobiles
avec tout ce qui contribue à la part essentielle
liberté de langue outrages à toute censure
au chevet du barrage comme de la cascade l'eau se sait sacrilège
au chevet du barrage comme de la cascade l'eau se sait sacrilège
détricoter le temps avec les vers à soie
toute parole d'oiseau libre répudie nid frileux
de l'étroitesse peut surgir le superbe
les oiseaux lyres les harpes éoliennes
les paumes des brouillards aux hanches des amphores
les paumes des brouillards aux hanches des amphores
tout profil conquérant toute haleine charmeuse
parle ombrage à la lumière ombrelle à l'aubépine
le roitelet qui se rêve condor
le rouge-gorge
buvant le crépuscule
buvant le crépuscule
de la rose l'appétit des épines
enlace sans étouffer
étreignant fais grandir
étreignant fais grandir
toute clarté dansante chevauche un mirage
ne demande pas au poème de rendre humide la foudre
tout soupir qui précède une extase
avec les voyelles au chevet de la cascade
avec les consonnes dans le lit du torrent
avec les consonnes dans le lit du torrent
avec les syllabes au détour de la phrase
sur l'ongle de la buée peut s'incarner un monde
écoute d'une oreille parle dix mille langues
écoute d'une oreille parle dix mille langues
ébruite à bon escient
la poésie qui émerge de son lit rend verdoyantes les rives
la poésie qui émerge de son lit rend verdoyantes les rives
buissonner séduire propager
avec la rosée le pointu de l'épine le velours du pétale l'amont de tout remords
aurore sur la mer les embruns dans la danse
limpidité la vertu la plus claire
la vague le retour
la marée la reconnaissance
la marée la reconnaissance
l'ourlet de l'écume sertit le coquillage en dentelant la berge
ne sois jamais avare de compliments envers qui te salue
à demi-mot la prière à pleine gorge l'aveu
toute voix de torrent brandie en javeline
la source enfante le poème du voyage la rivière le peaufine
le dernier méandre la mer déployée l'oiseau bleu qui remonte
l'étincelle qui met le feu au vide
avec la cicindèle la cétoine dans l'été qui brasille
étoiler son parcours
dire frisson penser haleine
à contre courant du temps la jeunesse un champagne
l'île dans le regard l'aile qui gouverne
l'île dans le regard l'aile qui gouverne
se laisser porter par toute effervescence
tout enthousiasme est délivrance
neige sur rivière mots sur page blanche
si tu vas à la ligne
ne perds pas le fil d'Ariane
si tu vas à la ligne
ne perds pas le fil d'Ariane
un coup de dé chanceux
tapis vert des prairies
tapis vert des prairies
farandole des corolles
la toile de l'araigne perlée de la rosée plus vitrail que piège
les loriots dans le petit jour tissent leurs trilles sans forcer leur talent
qui sait museler l'orage jugule la tempête
n'oblige pas le poème à se faire courtisan il perdrait de son sel
à la margelle du puits
sautillement des mésanges
tout près des roses rouges
sautillement des mésanges
tout près des roses rouges
remercie qui te veut solidaire de l'infime du grandiose
ne sois jamais incendiaire
ne réduis pas en cendres
ne réduis pas en cendres
le carillon bien plus que le tocsin
au loin pour approcher le rare
avec l'alouette dans le subtil équilibre de l'épi et du champ
il incombe aux lisières d'étoffer les pénombres
ombelles ombrelles une lettre et tout change
oiseleur et stratège orpailleur et devin
enchante et révèle
révèle et illumine
révèle et illumine
dès le seuil délivré de toute chaîne tout remords toute contrainte
avec le souffle
qui incline sans briser
qui incline sans briser
avec la lumière
qui jamais n'assombrit
qui jamais n'assombrit
orfèvre des lisières
ciseleur de mots rares
ciseleur de mots rares
l'égaré le prodigue
sous l'aile du condor
l'envergure océane
l'envergure océane
la fourmi à l'ouvrage
tout sommet ayant souci des pentes
les gouttes de la pluie s'envolant vers le ciel sont de petites abeilles
la foudre, vénérée des racines
les clochettes du muguet de mai
tintinnabulant liberté liberté
tintinnabulant liberté liberté
le sous-bois en goguette
si vite l'hirondelle au plus haut des nues
si vite l'hirondelle au plus haut des nues
si vite au fleuve que du bout de l'aile elle étoile
libeller son parcours
lever l'encre
que le poème vagabonde à sa guise
que le poème vagabonde à sa guise
faire feu de toute idée flécher toute insouciance
nénuphar, libellule et grenouille la mare dans le sommeil le lotus d'or
symbole de renaissance
symbole de renaissance
le roseau et la vague l'étang dans le brouillard
le grand harfang des neiges
la nuit toute blanche
la nuit toute blanche
enrichis ton offrande
le ver luisant éperdument appelle
douceur plus que violence beauté plus que laideur
ne dépose les armes que devant l'invincible
sourcier sache éclore l'invisible
sois éclaireur
aussi stratège
aussi stratège
la pensée du poème est déjà le poème
le vent s'il respecte l'ordonnance
sauvage le poème qui dévore son dompteur
n'enferme pas
qui se veut fugue de gladiateur
qui se veut fugue de gladiateur
la voie lactée sœur lumineuse des ténèbres
la pelote de laine du poème n'a que faire du chat qui dort
dès la première fontaine le poème de l'eau vive les paumes unies pour retenir l'aurore
mot à mot phrase après phrase que ne sèche trop vite l'espérance
de palier à palier à la gorge verdoyante
source soliloque ruisselet balbutie
ruisseau pérore rivière parle
ruisseau pérore rivière parle
qui dialogue avec la prairie
qui prend en charge le paysage?
qui prend en charge le paysage?
l'admirable
à portée de regard
à portée de regard
qui se laisse apprivoiser présente en premier son museau
toute peau tout pelage toute fourrure je est tant d'autres….
dans le dé à coudre de l'automne le printemps
joue déjà au chat et à la souris avec l'hiver
joue déjà au chat et à la souris avec l'hiver
à tous vents essaimer disperser rassembler
le poème de la mer riche de tant de fleuves
de l'estuaire
à l'amont de l'enfance sans rides
à l'amont de l'enfance sans rides
écrire le mot poème gommer le mot amertume penser le mot résonances
le rêve : il est sans amarre
tous les possibles dès le premier regard
l'ondée qui réjouit les racines rend la tige élégante
la pluie qui monte au ciel entraîne les semences
le levain au pointu de la langue
langage de flamme sans fumée est crinière cavalcade chevauchée
l'algue dans le courant
rêve de palais nuptiaux
rêve de palais nuptiaux
dans l'oeil de l'aigle royal la vallée des hommes
et l'épouvantail
n'emprisonne pas le poème
laisse-le se parfaire
et l'épouvantail
n'emprisonne pas le poème
laisse-le se parfaire
en peu de mots l'essentiel les points de suspension la place de la virgule
idéalement le mot amour rime avec toujours
le parfum de la rose porte à la violette ombrage ?
à la fontaine du poème foin des paroles superflues
au premier carrefour assure ton message
sois avec la rivière adolescence fièvreuse défi passionnel au silence
sous le pont en catimini se faufile la mémoire
garde souvenir de ce qui t'interpelle
le roseau que l'étang et l'oiseau courtisent sans relâche est fier de son reflet
un petit pas devant
l'aube
qui caracole
l'aube
qui caracole
qui habité d'un cyclone
peut entendre le silence ?
peut entendre le silence ?
la bergeronnette d'escale à escale
la lumière si vite au gynécée
au lieu secret du poème dépose ton obole
donne figure à ta voix visage à ton appel
limpide le poème épargné de la rouille
tout aval de transparence tout amont de frayère
la poésie du petit jour quand aucune clameur ne tonne
au coup d'archet les perce-neige
les ruisseaux les cascades
tout ce qui est mouvement
tout ce qui est VIE
tout ce qui est mouvement
tout ce qui est VIE
si rien ne contrarie l'élan
le poème du ruisseau présage celui de l'estuaire
le poème du ruisseau présage celui de l'estuaire
source frémit
ruisseau tressaille
rivière ondule
le fleuve
prend en charge l' Histoire
ruisseau tressaille
rivière ondule
le fleuve
prend en charge l' Histoire
le poème de la mer s'adresse aussi à la falaise
hors de chrysalide rayonner et joindre
au pied du château-fort s'agenouille la Légende
essaimer et convaincre
avec les migrateurs au ponant du langage
un petit pas devant un grand pas en arrière
as-tu vu l'alouette en défi au nuage ?
que reste-t-il du poème si personne ne l'entend ?
le petit matin qui butine le jardin
prend souci de la rose dont les pétales tombent
tout bouquet inexorablement voit ses fleurs se faner
le rai de soleil rend le grenier hanté
mettre en cage le poème c'est le priver de sève entraver son essor
poème virulent tout silence habité d'un cyclone
à califourchon sur le poème
tu joues à saute-mouton
avec les syllabes
tu joues à saute-mouton
avec les syllabes
qui réjouit le c(h)oeur mérite mille médailles
toute phrase qui se veut aérienne
tout mot solidaire de la foule
toute pensée messagère d'espoir
tout devenir généreux
quand le poème se fait souris les chats en perdent leur latin
une moustache en quête d'un miaulement
ne demande pas au poème
d'enflammer le langage
d'enflammer le langage
demande lui plutôt
d'éteindre l'incendie
d'éteindre l'incendie
fidélité mot d'amante
surtout pas religieuse
surtout pas religieuse
la fourmi danse la cigale s'épuise au travail
la morale de la fable désormais à l'envers
la morale de la fable désormais à l'envers
sois passionné non éteint
invente imagine prolonge
invente imagine prolonge
l'arc-en-ciel qui enjambe la montagne
au lieu de la source palpitent tant de lèvres
le poème du ver luisant plaît aussi à l'ortie
quand se replient les hirondelles les noctuelles ont le champ libre
P poésie O ouverture E énergie S surprise I invention E espérance
le poème du brouillard épouse toute apparence
d'un doigt de buée déplier les courbures
par le chas de l'aiguille est passé l'océan
la goutte de rosée témoigne du prodige
la goutte de rosée témoigne du prodige
envol attirance
au pied de la montagne danse quelquefois la cime
le plus merveilleux des poèmes fait valser l'océan
savoir redescendre au niveau des congères
le poète berger dort à la belle étoile protégé des haleines
édelweiss cascatelle clarines
piquetée de rouge en sa ligne médiane
toujours orientée vers l'afflux d'oxygène
toujours orientée vers l'afflux d'oxygène
la vigilante des eaux vives dont le coeur est ardeur
l'alouette dominant la moisson enfin prenant en souci le tourment du poète
à contre-jour admirer quand même
aubépine églantine les orées pétillantes
ceux qui se reposent tout près du râteau de la faucille
ne dorment que d'un œil
ne dorment que d'un œil
criquets et grillons
s'en donnent à coeur joie
s'en donnent à coeur joie
le ruisseau la nuit
perpétue la parole
perpétue la parole
aile errante cherche asile où se fondre
se ressourcer où tout est lèvres
la montagne au plus profond de la mer a la nostalgie de la neige
le poème du vent
toujours
en quête d'assise
toujours
en quête d'assise
le liseron
le lierre
la phrase même du poème
enlacer
sans étouffer
fleurir à bon escient
le poème du ver luisant s'accommode de la nuit noire
l'aile de la nuit a comme épaule la démesure
attendrir l'orage désarmer le tonnerre apprivoiser la foudre
toute rivière verdoie son territoire
paraître et assembler
chaque pas sur la rive en appelle au navire
une étoile de mer appelée astérie un oursin agitant ses épines le gravier remué
ce que le poème dépose la phrase le recueille
marée descendante regret attente impatience
le poème du château de sable tellement éphémère
dans la ferveur reprends l'ouvrage
sans cesse élance tu finiras bien par arrimer ton désir
quand se tait le silence qui parle manège aux sourds?
toute mélodie
doit trouver son oreille
tout poème
son orée
des racines à la cime vibrer de tous ses pores
fructifier et convaincre
le vent
qui n'a pas d'origine
se fond dans le feuillage
mettre un terme à la finalité
la fatalité que bouscule le hasard
tout seuil qui laisse espérer une échappée sauvage
évadé de la cage oublier les barreaux déplier l'éventail des allées
renouveau : les enluminures
au fil du temps au fil de l'eau
au fil du rêve au fil du vent
de seuil à seuil
de port à port
partir partir
séduis qui de toi prend distance
le luthier
l'orfèvre
le sourcier le chaman
l'alouette en défi aux vautours comme aux hyènes
printemps à courte paille narguant ogres et censeurs
ne jamais s'agenouiller pour complaire au tyran
marchant
magnifie ton avance
qui coule de source
se rit de tout barrage
les méandres où tu t'es éclaboussé de fous rires
quand apparaissent les bourgeons le vert déjà est à l'ouvrage
la source, la poésie ne doivent se tarir la mer serait orpheline
tout courant d'air qui éternue provoque un tsunami
le poème de la mer s'exalte à marée haute
donne licence au poème d'être somnambule d'appéhender le rêve
l'oiseau-lyre sur la harpe éolienne
la parade amoureuse du tétras rend jaloux le soleil
l'oiseau-mouche dans l'oeil du gorille
les colibris porte-épée aux abords de l'orchidée
charité bien ordonnée commence par les autres
qui sort de son lit vite y retourne
infidélité mot d'évasion
devant la rose rougit le bouvreuil devant l'aurore s'empourpre la montagne
fredonner ce n'est jamais convaincre
lovée au creux du pétale par crainte de l'averse brutale
la minutie peureuse
ouvre la porte au courant d'air il a tellement besoin de grand large
de haut lignage ce qui survole sans jamais dévier du dessein
alouette pigeon ce n'est pas seulement une affaire de plumage
le corbeau la colombe en la nuit noire se confondent
sous la paupière à quoi pense le regard?
Icare, seulement pour l'envol
aiguise ton désir enflamme ton silence
le ramage n'est pas toujours à dédaigner
préciosité, souvent superflue
de coeur à coeur sans jamais de détours
longtemps, toujours, le premier venu
espéré de l'horizon de tous les seuils
enchanter les serrures
à petits pas de vent à grands pas de tempête
au-delà des clochers s'habillent d'or les nues
tout mendiant devient prince à qui l'on offre un monde
la main tendue pour l'oiseau affamé recueille le murmure
foudres flammes fougères savent fusionner aux forêts
de leurs furtives ferveurs
le cygne tout en encolure floconnement neigeux
battements d'aile puissants quand du plan liquide il décolle
les Transparents se parlent de trémière en trémière
le moulin à vent a lui aussi des ailes et sa farine est d'or
à fleur d'eau mouchète le poème
l'omble chevalier vigile de la montagne
ombre, poisson de l'esquive que l'on n'aperçoit que dans les eaux très pures
ne porte pas ombrage à qui te veut solaire
l'impérissable enfin à demeure
la nuit ne tombe pas elle vient sans se hâter embrasser le jardin
faire allumer les lampes
précéder et conduire
les roses noires dans les ténèbres conservent leur visage
que pèse une plume sur une mer déchaînée ?
passeroses passiflores aérer le grillage
le parfum a traversé la nuit sans faiblir au petit jour il n'a pas renié le domaine
senteur arôme odeur effluve le remugle relève de l'automne
de bonne heure avec les tisserandes
la source contient déjà la mer le poème l'épopée
l'ombre du papillon aussi est vagabonde
la poésie tisse sa toile sans asphyxier la pensée
caressé du regard le poème ne doit jamais ronronner
émerveiller tout aval
ne pas enfermer dans une armure le poème il se ferait ouragan
toute bastille son étendard son donjon à rejoindre
du sommet de la montagne comment t'apparaît le village ?
dans toute prison le printemps agonise
la liberté n'est trop souvent hélas qu'une révolte vaine
renaissance lèvres avides printemps en fanfare
la fleur au fusil il n'y a plus de guerre les cartouches sont mouillées
les cerisiers en fleurs quand murmurent les jonquilles
tout verger se doit d'être accessible
ne se courber que pour cueillir une ombre
l'étincelle pour le feu qu'elle annonce
tout profil conquérant toute haleine charmeuse
au lieu d'amont juguler l'océan
ne jamais médire du printemps
le rossignol autant que les mésanges
l'instant des lèvres
une feuille qui tremble au bout d'un fil presque transparent mon coeur qui bat au rythme de celui de l'univers cette chance d'être encore vivant de participer du NOMBRE.
Daniel ABEL.
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