06/03/2017

Haïku. Les impressions fugitives de Pierre Tanguy

Pierre Tanguy à Brignogan dans le Pays Pagan (Finistère), le pays de son enfance. 


Haïku du chemin en Bretagne intérieure



Trois vers et tout est dit. Le haïku est un art de la concision et de l’ellipse qui prend ses origines dans le Japon médiéval. Matsuo Basho, qui vivait à Kyoto au XVIIe siècle, est considéré comme le grand maître du genre. Aujourd’hui encore, le haïku continue d’inspirer des milliers d’adeptes. Il a même atteint une dimension planétaire : on en écrit partout dans le monde.
En France, Pierre Tanguy est un représentant authentique de cet art ô combien délicat qui consiste à saisir un instant de vie en utilisant un minimum de mots, et toujours des mots simples et concrets. Sur les chemins de Bretagne, il note des moments fugitifs de la vie quotidienne.

Sur la page de mon carnet
Ouvert dans l’herbe
Une fourmi bien affolée

Traditionnellement, au Japon, on classe les haïkus par saisons. Pierre Tanguy respecte cette règle quasi incontournable et tire son inspiration du spectacle de la nature.

Printemps :
L’épaule blanche
Des jeunes filles
Premiers jours d’avril

Eté :
Même le pêcheur ventru
A ôté son maillot de corps
Canicule

Automne :
Des feuilles mortes
Sous la roue du vélo
Bruit de mitraillette

Hiver :
Ciel trop gris
Pas un rayon
Sur les chatons naissants

Pierre Tanguy a un sens puissant de l’observation. Son œil est sans cesse sur le qui-vive, prêt à saisir le mystère ineffable de choses. Ses vers, dépouillés, touchent juste. En trois coups de pinceaux, le poète sait aller à l’essentiel.

Piqûres de sel sur la joue
Pédalant dans le froid
Grésil de décembre

Amoureux du silence, Pierre Tanguy pratique le haïku comme un art de vivre, pour tenter de dire l’indicible, et son recueil donne une sensation de grande plénitude.


Haïku du sentier de montagne



De ses randonnées dans les Alpes et les Pyrénées, il est revenu les poches remplies de haïkus. Il décrit la beauté de la nature et la vie des hommes dans ces grands paysages.

Sanctuaire à ciel ouvert
Chacun s’incline
Bouche bée

La concision est indispensable à l’écriture d’un haïku. Il faut trouver le mot juste.

Torrent hurlant
Sous le pont
Trop plein d’avril

Dans ce type de poésie, quelques mots suffisent pour s’exprimer pleinement. Un bon haïku n’est jamais abstrait. Tous les lecteurs doivent le comprendre sans peine. Ceux de Pierre Tanguy respectent cette règle impeccable de sobriété.

Les grands sapins
Ont leurs épaules lourdes
Il neige

Ces poèmes de l’instant se présentent sans fioritures. Selon une autre règle d’or du genre, ils sont bien rattachés à une saison.

Regard brouillé
La neige tombe
Sur mes cils

Parfois il suffit d’un détail pour que la saison soit suggérée.

Suspendus aux branches
Comme des vessies
Les derniers abricots

Les descriptions simples laissent une large place à l’imagination de ses lecteurs. Trois petits vers et c’est tout un univers qui est évoqué, une émotion forte qui est partagée.

Quatre petits cœurs
Palpitent sous les pins
Oiseaux tombés du nid

De ses marches en montagne, le poète finistérien a ramené une vision dense et lumineuse, qui plonge le lecteur avec délice dans l’essence des choses.

Langues de glace
Le col atteint
Dans la béatitude

Les haïkus de Pierre Tanguy sont de vraies petites merveilles.

B.S.


Pierre Tanguy: Haïku du chemin en Bretagne intérieure et Haïku du sentier de montagne, Editions La Part Commune, Rennes. Chez le même éditeur, Sous le ciel de chardon bleu est une évocation du pays d'enfance, le Pays Pagan, sur la côte septentrionale du Finistère.

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