Haïku du chemin en Bretagne
intérieure
Trois
vers et tout est dit. Le haïku est un art de la concision et de l’ellipse qui
prend ses origines dans le Japon médiéval. Matsuo Basho, qui vivait à Kyoto au
XVIIe siècle, est considéré comme le grand maître du genre. Aujourd’hui encore,
le haïku continue d’inspirer des milliers d’adeptes. Il a même atteint une
dimension planétaire : on en écrit partout dans le monde.
En
France, Pierre Tanguy est un représentant authentique de cet art ô combien
délicat qui consiste à saisir un instant de vie en utilisant un minimum de
mots, et toujours des mots simples et concrets. Sur les chemins de Bretagne, il
note des moments fugitifs de la vie quotidienne.
Sur la page de mon carnet
Ouvert dans l’herbe
Une fourmi bien affolée
Traditionnellement,
au Japon, on classe les haïkus par saisons. Pierre Tanguy respecte cette règle
quasi incontournable et tire son inspiration du spectacle de la nature.
Printemps :
L’épaule blanche
Des jeunes filles
Premiers jours d’avril
Eté :
Même le pêcheur ventru
A ôté son maillot de corps
Canicule
Automne :
Des feuilles mortes
Sous la roue du vélo
Bruit de mitraillette
Hiver :
Ciel trop gris
Pas un rayon
Sur les chatons naissants
Pierre
Tanguy a un sens puissant de l’observation. Son œil est sans cesse sur le
qui-vive, prêt à saisir le mystère ineffable de choses. Ses vers, dépouillés,
touchent juste. En trois coups de pinceaux, le poète sait aller à l’essentiel.
Piqûres de sel sur la joue
Pédalant dans le froid
Grésil de décembre
Amoureux
du silence, Pierre Tanguy pratique le haïku comme un art de vivre, pour tenter
de dire l’indicible, et son recueil donne
une sensation de grande plénitude.
Haïku du sentier de montagne
De ses
randonnées dans les Alpes et les Pyrénées, il est revenu les poches remplies de
haïkus. Il décrit la beauté de la nature et la vie des hommes dans ces grands
paysages.
Sanctuaire à ciel ouvert
Chacun s’incline
Bouche bée
La
concision est indispensable à l’écriture d’un haïku. Il faut trouver le mot
juste.
Torrent hurlant
Sous le pont
Trop plein d’avril
Dans ce
type de poésie, quelques mots suffisent pour s’exprimer pleinement. Un bon
haïku n’est jamais abstrait. Tous les lecteurs doivent le comprendre sans
peine. Ceux de Pierre Tanguy respectent cette règle impeccable de sobriété.
Les grands sapins
Ont leurs épaules lourdes
Il neige
Ces
poèmes de l’instant se présentent sans fioritures. Selon une autre règle d’or
du genre, ils sont bien rattachés à une saison.
Regard brouillé
La neige tombe
Sur mes cils
Parfois
il suffit d’un détail pour que la saison soit suggérée.
Suspendus aux branches
Comme des vessies
Les derniers abricots
Les
descriptions simples laissent une large place à l’imagination de ses lecteurs.
Trois petits vers et c’est tout un univers qui est évoqué, une émotion forte
qui est partagée.
Quatre petits cœurs
Palpitent sous les pins
Oiseaux tombés du nid
De ses
marches en montagne, le poète finistérien a ramené une vision dense et
lumineuse, qui plonge le lecteur avec délice dans l’essence des choses.
Langues de glace
Le col atteint
Dans la béatitude
Les haïkus
de Pierre Tanguy sont de vraies petites merveilles.
B.S.
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