Lew Welch est une figure singulière de la Beat Generation. On le connaît surtout sous les traits de Dave Wain, sous la plume de Jack Kerouac dans Big Sur.
Lew
Welch est né en 1926 dans l’Arizona mais sa famille s’installa en Californie
trois ans plus tard. Son destin littéraire se tissa à Portland, Oregon, au Reed
College, où il se lia avec Gary Snyder et Philip Whalen, qui deviendront deux
poètes phares de la Renaissance de San Francisco, et qui étaient aussi très
influencés par la pensée orientale et le bouddhisme. Welch ne connut jamais
cette forme de sérénité et d’apaisement. Et il n’eut pas de chance. Lorsque le
mouvement Beat se révéla au grand jour en 1955 lors de la fameuse lecture de la
Six Gallery de San Francisco, il était à Chicago, essayant de se remettre d’une
dépression nerveuse en travaillant pour la publicité, son vrai métier.
Jack
Kerouac a connu Lew Welch grâce à Philip Whalen. Il adorait son optimisme, sa
liberté d’esprit, sa grande connaissance des « sujets américains ».
Ensemble, ils pouvaient parler pendant des heures des chansons folk américaines,
des bûcherons, du football, des champs de course et des filles… Kerouac n’oubliera
jamais leur merveilleuse traversée en
Jeep de 1959 vers la Côte Est.
Lew
avait laissé tomber la publicité et acheté un taxi. Cela lui laissait pas mal
de temps pour se consacrer à la poésie et vivre comme il l’entendait :
picoler à son aise, rouler la nuit sous les étoiles, se reposer sous les arbres
ou rester tranquille dans une cabane isolée… Lew a été « un des types les
plus formidables » que Kerouac a rencontrés. Et il avait des moments de
dépression « presque pires » que les siens.
En
1971, il séjournait chez Gary Snyder dans les montagnes de Californie. Un jour,
on a retrouvé une note désespérée, où il annonçait son intention de ses
suicider. Et l’on n’a jamais retrouvé son corps.
Lew Welch en compagnie d'Allen Ginsberg. |
Au volant de mon taxi (d’après Anacréon)
Quand
je suis au volant de mon taxi
Je
suis guidé par des coups de sifflets bizarres et je porte un chapeau
Quand
je suis au volant de mon taxi
Je
suis le chasseur. Ma proie sort de sa cachette,
en
faisant de grands gestes pour me séduire
Quand
je suis au volant de mon taxi
Tout
le monde croit me commander mais c’est bien moi qui reste le maître du jeu
Quand
je suis au volant de mon taxi
Je
suis guidé par des voix qui tombent du ciel
Quand
je suis au volant de mon taxi
Tout
se met en mouvement. Voilà qu’ils se réveillent.
Voilà
qu’ils veulent travailler et regarder partout. Voilà qu’ils veulent
de
l’ivresse et de la bouffe. Et de l’amour.
Quand
je suis au volant de mon taxi
Je
remets les retardataires à leur place dans la ville.
Quand
je suis au volant de mon taxi
Je
circule en maraude à la recherche d’un dernier client alors que la ville est
plongée dans la nuit.
L’image, comme un hexagramme
L’image,
comme un hexagramme :
L’ermite
ferme sa porte à clé pour échapper au blizzard.
Sa
cabane doit rester bien chaude.
Pendant
tout l’hiver il fait le tri dans son passé.
Ce
qui était bien parti sera achevé.
Ce
qui ne l’était pas devrait être balancé.
Au
printemps il réapparaît avec un vêtement
et
un seul livre.
La
cabane est propre.
A
part ça, vous me ne croiriez jamais
que
quelqu’un a vécu là-bas.
La
nuit dernière Magda a rêvé qu’elle,
toi,
Jack et moi nous baladions
en
Italie.
Nous
avons garé la voiture à Florence
et
laissé notre chien pour la garder.
Elle
était inquiète
parce
qu’il ne comprend pas l’italien.
Résignation
sans nom.
Pas encore 40 ans, ma barbe est déjà blanche
Pas encore 40 ans, ma barbe est déjà blanche
Pas
encore 40 ans, ma barbe est déjà blanche.
Pas
encore réveillé, mes yeux sont rouges et gonflés,
comme
un enfant qui a trop pleuré.
Quoi
de plus détestable
que
le vin de la nuit dernière ?
Je
vais me raser.
Je
vais m’enfoncer la tête dans la fraîcheur du printemps
et
jeter un coup d’œil alentour.
Peut-être
que je vais ouvrir une boîte de pêches en conserve.
Alors
je pourrai finir le reste du vin,
écrire
des poèmes jusqu’à ce que je sois encore saoul,
et lorsque
la brise de l’après-midi soufflera
Je
m’endormirai jusqu’à ce que se lève la lune
et que
j’aperçoive le cerf en train de grignoter
les
arbres dans le noir
et que
j’entende
les
ratons laveurs se disputer.
(Traduit
de l’américain par Bruno Sourdin)
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