03/06/2021

Les cabinets de curiosités de la cité de Mélusine

 

Mélusine, la sirène qui surmonte le beffroi de Bailleul.


Le petit musée Benoît-De-Puyt, installé à Bailleul (Nord) dans une maison à l’architecture néo-flamande, est une belle source d’émerveillements.


Au pied des monts des Flandres, Bailleul, qui s’affiche comme la cité de Mélusine, consacre une exposition originale à la fille des eaux qui inspira jadis André Breton et les surréalistes. Sur le thème des sirènes, l’exposition “Le Chant des ondes” présente un mélange étonnant de cabinets de curiosités, d’objets merveilleux et de créations contemporaines singulières.


Sirènes, ondines nymphes, naïades: toutes ont eu, à l’image de Mélusine, un destin tragique. Imaginée par Shakespeare et célébrée par les peintres préraphaélites, la triste Ophélie a inspiré le jeune Arthur Rimbaud. “Couchée en ses longs voiles”, elle flotte très lentement dans ses rêves, “fantôme blanc sur le long fleuve noir”. Héroïne des eaux dormantes. 

Voici plus de mille ans que sa douce folie

Murmure sa romance à la brise du soir.” (1)


Quant à Mélusine, voici ce que dit sa légende: sous le coup d’un sortilège, elle doit se transformer en serpent chaque samedi. Un jour, au coeur d’une vaste forêt, près d’un source, elle rencontre Raimondin, le neveu du comte du Poitou. Contre un mariage, qui seul peut rompre son sortilège, elle lui propose richesse et prospérité. A la condition qu’il ne cherche jamais à la voir nue le samedi. Mélusine est une fée bâtisseuse. Sous son impulsion, le couple connaît une extraordinaire prospérité et Mélusine donne naissance à dix enfants. Mais un samedi Raimondin perce un trou dans la porte de sa chambre et découvre la vérité. Le serment est rompu, l’interdit a été transgressé. Mélusine disparaît en poussant un hurlement. Elle ne réapparaît plus qu’en secret, la nuit, pour voir ses jeunes enfants. S’en suivra le déclin et la ruine de cette famille poitevine.


Mélusine est devenue au Moyen Age l’incarnation de la prospérité. En Flandre, son effigie a souvent été placée au sommet des beffrois, un buste de femme sur un corps de poisson. C’est le cas à Bailleul. On la représente se passant un peigne dans les cheveux et tenant un miroir dans la main gauche. On lui donne un rôle de guetteur et de protectrice. Dans plusieurs cités voisines, comme à Arras, Douai ou Bergues, on a choisi au contraire comme emblème le lion des Flandres, symbole de force et de combativité. Mais à Bailleul, ville qui fut entièrement détruite pendant la Première Guerre mondiale, on a opté pour la fée bâtisseuse. 


On dit que c’est à Bailleul que Mélusine s’est retirée. On prétent aussi qu’elle vient crier la nuit sur les toits pour annoncer une mort prochaine. C’est à Bailleul qu’on a une chance de la retrouver et d’accomplir la vision secrète de Gérard de Nerval: “J’ai rêvé dans la grotte où nage la sirène” (2). Mélusine, la fée mystérieuse. La muse insaisissable. Le soleil noir de la mélancolie. 


Bruno SOURDIN


  1. Arthur Rimbaud: “Ophélie”, les Cahiers de Douai, 1870. 
  2. Gérard de Nerval: “El Desdichado”, les Chimères, 1854.


“Le Chant des Ondes, des sirènes à Mélusine”, au musée Benoît-De-Puyt de Bailleul, jusqu’au 19 septembre 2021.






Diorama Mélusine, de Colas Reydellet d'après une gravure du XIXe siècle.

Le chant des sirènes, tableau mécanique de Loïc Pantaly.


Carrousel d'ombres, de Colas Reydellet.




Epreuve d'une illustration de "Naja", d'André Breton.

"L'appel des ondes (Ophélie)". Installation vidéo Christophe Leray/Fred Di Notto.

Girouette sirène de Mélusine, Bailleul.


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