photo Bruno Sourdin |
L’écriture n’est pas une tradition tsigane. Raison de plus pour s’attacher aux livres d’Alexandre Romanès. Poèmes, aphorismes, paroles perdues... Une œuvre surprenante et unique.
Né dans une grande famille circassienne, les Bouglione, Alexandre Romanès est un authentique poète. Ses mots viennent du cœur. Il ne cherche pas à embellir les choses. Il n’aime pas les belles phrases, mais il est poète. Il va droit au but et sa parole est éblouissante.
« Je ne comprend rien au monde.
Certains se sentent plus proches
d’un chien que du ciel.
Si seulement ils voulaient
lever la tête ! »
Le monde l’a souvent blessé mais Alexandre Romanès ne craint rien ni personne. Lorsqu’il dénonce la brutalité, l’injustice et la folie du monde, ses colères sont terribles. Mais son œil reste intact : il vit sous le ciel et il sait regarder le ciel.
« Depuis longtemps déjà
je vois des choses terribles.
Des fois, pour comprendre,
je prends ma tête à deux mains.
Malgré tout, chaque matin,
je redécouvre le ciel. »
Que faut-il pour remplir une vie ? La route, le vent, les étoiles suffisent.
« Les parleurs accusent Dieu,
pourtant, pas une feuille
ne manque à l’arbre,
rien n’égale un coucher de soleil
et on a tous un cœur. »
Au Marché de la poésie 2017 à Paris (photo Bruno Sourdin). |
Alexandre Romanès déteste le mensonge et l’arrogance. Il ne comprend pas comment fonctionne notre monde. Il ne comprend pas l’ambition. Partout il ne voit qu’indifférence, des gens sans vie, des passants aux cœurs de pierre… Lui aime poser la main sur tout ce qui est beau, il aime rire avec ses filles, regarder les nuages passer… A tout l’or du monde, il préfère la brindille sur le bord du chemin. Et il n’oublie jamais de chanter les splendeurs de la vie :
« ma vie magnifique, comme l’oiseau
qui vole contre le vent,
les yeux fixés sur le ciel. »
La parole d’Alexandre Romanès est extrêmement simple et forte. Elle va droit au cœur, elle nous fait du bien. C’est la voix essentielle d’un poète authentique.
Bruno SOURDIN.
Un peuple de promeneurs, Le Temps qu’il fait, 1998.
Paroles perdues, Gallimard, 2004.
Sur l’épaule de l’ange, Gallimard, 2010.
Le luth noir, Editions Lettres vives, 2017.
Les Tsiganes sont comme les oiseaux
qui volent contre le vent.
*
Hier j’ai vu une femme avec son enfant
couchée sur le trottoir, elle ressemblait
à ma mère, comment ne pas m’arrêter.
*
Quand j’étais petit,
mon père a mis pendant des mois
un serpent dans ma chambre,
il voulait que je n’aie peur de rien.
*
Je fais bonne figure, je ne montre rien
mais certains jours, j’ai l’impression
d’avoir bu toute la tristesse du monde !
*
Avec toi, j’aimerais me promener
le plus longtemps possible
dans la campagne, entendre
la magnifique sonorité du luth
et le chant délicat des oiseaux,
et passer autant que possible
pour un imbécile.
Qu’ils m’oublient.
*
J’appartiens à un peuple
qui ne veut pas
laisser de traces.
(extraits de Le luth noir, 2017, aux Editions Lettres Vives)
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