Gary Cummiskey
Gary Cummiskey est un poète d’Afrique du Sud, né en Angleterre en 1963. Il est journaliste. A Johannesburg, il a publié plusieurs recueils de poésie. Il est le fondateur des éditions Dye Hard Press et d’une revue littéraire, Green Dragon. Il est aussi l’auteur d’un ouvrage consacré à Sinclair Beiles, le poète sud-africain qui a vécu au Beat Hotel de Paris dans les années 60, et qui a signé avec William Burroughs, Gregory Corso et Brion Gysin, le livre légendaire dédié au cut-up, Minutes du go.
Gary Cummmiskey |
Gary Cummiskey lecteur de Claude Pélieu, Un amour de beatnik, lettres à Lula-Nash. |
Gary Cummiskey en lecture au Melville Poetry Festival de Johannesburg en 2012, l'année de One hundred thousand poets for change. |
Poème
Je suis très heureux d’apprendre que tu as réalisé ton rêve
un mari
une maison
une petite fille
En fait, tout ce que tu as toujours demandé !
Et moi ?
Bien… moi…
Ah, eh bien
je suis toujours
dehors dans le
jardin
à minuit
et j’essaie toujours
de manger
les étoiles
Ce qu’ils font (2005)
Ils lui ont mis la main dessus
la fille aux cheveux en bataille
et aux yeux pétillants
ils feront de leur mieux pour l’anéantir
Ils le feront
parce qu’elle est
si remarquablement heureuse
quand elle crie
fort
à travers ses dents blanches et pointues
et qu’elle fait des grands signes de la main
jubilante et joyeuse
elle est si clairement amoureuse
elle ne cherche rien d’autre que la paix
et la liberté
Mais comme une caméra de télé l’a filmée
ils ont enregistré
son image
ils pourront la retrouver
et quand ils l’auront fait
ils l’enlèveront
la battront
lui arracheront les ongles
lui fracasseront le crâne
l’éventreront
disperseront ses intestins
sur le pavé
puis enverront les restes
aux parents et aux amis
comme un avertissement
Ils feront tout ça
parce que
c’est leurs affaires
Jardin de l’esprit (2005)
SACRIFICE
Destruction de l’homme
Crucifix fou
Bretelle d’accès vers le Soleil
Chien violet
Blazer rouge-bleu
Improvisation sur un thème inconnu
L’ultime leçon du Zen
Surréaliste chocolat
Fabriqué au Japon
Des roues dans l’arbre
Le studio de cristal
Langue de l’univers
Le nombre du repas sacré est Un
Joie du chaman
Tête éphémère
Des singes se bouchent les oreilles sur le terrain de Nulle part
C’est une blessure de lunes
Et des danses hopies
Où le croisé de l’ombre
Rencontre
Le guerrier de la liberté
Nous ne pouvons pas renaître
NOUS NE POUVONS PAS RENAITRE
NOUS NE POUVONS PAS RENAITRE
NOUS NE POUVONS PAS RENAITRE
à ce mythe éternel
Nulle part est le chemin
Rue féérique
Sommeil de l’esprit de la nuit
La porte du merveilleux
Et nous regardons (2008)
Et nous regardons les bébés phoques frappés à mort, un coup
de couteau dans l’estomac pour celui-là et
le lait de sa
mère gicle de sa bouche
Et nous regardons le ministre de l’éducation réprimender des
écoliers du quartier de Mitchells Plain à
Cape Town
qui avaient écrit des poèmes sur la
pauvreté et le
crime, il leur suggère plutôt de composer
des odes à
Table Mountain
Et nous regardons les corps nus de ces jeunes hommes sur le
bord de la route, qui ont reçu une balle
en pleine tête
Et nous regardons la femme filer à toute vitesse en hurlant
qu’elle ne peut pas comprendre pourquoi
son mari a
été enlevé
Et nous regardons cette bande du township se jeter sur une
lesbienne, ça la guérira et lui apprendra
à apprécier
une bite
Et nous regardons les sociétés d’aide humanitaire signer des
contrats de milliards de dollars en
Afghanistan et en
Irak
Et nous regardons ce garçon de douze ans dans une chambre
d’hôpital avec les bras et les jambes
arrachés
Et nous regardons dans la rue des policiers à la panse pleine
de bière frapper une pauvre vieille femme
à coups
de pied
Et nous regardons la maman ivre et folle de douleur, pendant
qu’elle se faisait baiser derrière la
buvette, son enfant
a été sacrifié et démembré pour
confectionner le muti
le médicament de magie noire
Et nous regardons ce restaurant vietnamien qui ressemble
à un magasin d’animaux
Et nous regardons des chiens déchiqueter des singes pour le
plaisir du jeu et du fric
Et nous regardons la torture et les bastonnades perdurer
à Harare
Et nous regardons le corps mutilé retiré de la carcasse
d’une voiture piégée
Et nous regardons la fille dans l’arrière-boutique enfoncer
une aiguille à tricoter dans le vagin
Et nous regardons les chômeurs errants des parcs devenir
de plus en plus désespérés de plus en plus
affamés
et de plus en plus détraqués
Et nous regardons le perroquet aux grands
yeux
vides crevés avec un tournevis
Et nous regardons
Plus tard (2009)
Ce matin-là lorsque je suis allé te voir
dans ton appartement de luxe
j’avais à peine franchi la porte
que nous nous sommes retrouvés à baiser contre le mur
avant de passer
dans la chambre à coucher.
Plus tard, tu m’as lu
un extrait de Don Quichotte.
J’ai pris une douche
alors que tu étais à la cuisine
et je me tracassais pour mon portefeuille plein à craquer
laissé dans mon pantalon
dans la chambre.
Plus tard, on a pris un café
sur le balcon qui domine la ville
en discutant
des prix de l’immobilier.
Puis j’ai dû partir au boulot,
on s’est embrassés
et dit au revoir.
C’est la dernière fois
que l’on s’est vu.
Traduit par Bruno Sourdin
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