François-Xavier Lefranc raconte la vie d'Armand de La Rouërie. |
Quelle étonnante histoire que celle d’Armand de la Rouërie, héros de la guerre d’Indépendance des États-Unis, qui, revenu en Bretagne, devint l’instigateur de la conspiration de l’Ouest contre la Convention ! François-Xavier Lefranc raconte son histoire dans un roman historique haletant, au titre choc: « Je boirai mon sang ».
Le récit s’ouvre sur les exploits d’une bande d’enfants, commandée par un chef intrépide de 12 ans. Armand a un tempérament de lion. Pour s’attaquer aux voleurs de bestiaux qui infestent la contrée, il a réuni une petite troupe énergique et disciplinée. P’tit-Chouin, la Fouine et Chasse-Crapaud sont ses fidèles soldats. Il prend soin d’eux. « Certains sont miséreux et sont mieux dans sa troupe à courir la campagne qu’à mendier sur les chemins. »
Nous sommes en Haute-Bretagne, à Saint-Ouen, dans le pays de Fougères, et plus exactement dans la vallée du Couesnon, à quelques lieux seulement de la Normandie et du Mont-Saint-Michel. Armand est déterminé, inflexible. Il ouvre la voie « à la hussarde, noyé dans ses pensées, rêvant sans doute de batailles épiques et de conquêtes ». Il se prépare à de futures batailles. Le jeune marquis sait déjà mener les hommes. Il ne plie jamais. Son grand-père n’avait-il pas prédit qu’il deviendrait général ?
Durant son enfance, La Rouërie s’est forgé un caractère pugnace. Il est volontiers bagarreur, querelleur, intenable. Il n’a peur de rien et surtout pas de la mort. Dans la forêt de Bazouges, avec ceux qu’il appelle ses « soldats », il cherche querelle à une bande d’Anglais et réussit à les vaincre. « Oui, j’aime me battre! Mais jamais sans raison, vous le savez. J’ai mes soldats, je suis leur chef, je dois donc être le premier à défendre l’honneur de ma troupe. »
La plupart des personnages de ce roman historique ont une existence réelle. Mais François-Xavier Lefranc peuple aussi son récit de personnages secondaires hauts en couleur, qui sont le fruit de son imagination et qui mettent bien en valeur le caractère de son héros. Ainsi cette jeune mendiante qu’Armand rencontre en sortant de Fougères. « Son gros baluchon lui courbait le dos, mais elle le tenait d’une main ferme, regardant le sol sans se préoccuper des ivrognes qui chantaient à l’extérieur de la vieille auberge de La Pellerine. Elle ne le connaissait que trop: les cousins Goudal étaient deux rustres qu’elle avait plus d’une fois rabroués. Elle reconnut aussi Pied-de-Bouc, un vagabond qui traînait souvent au marché aux bestiaux de Fougères. » Armand admire profondément cette mendiante si déterminée. C’est à elle que l’auteur fait dire cette phrase qui va revenir, dans la bouche de son héros, comme une maxime: « Je vais à la mort le coeur vaillant. J’aurai faim, j’aurai soif, mais s’il le faut je mangerai de cette terre et je boirai mon sang ! »
Portrait du marquis de La Rouërie en 1783. |
Quelques années plus tard, sa famille l’envoie à Paris s’engager dans les Gardes françaises mais les choses se passent mal: après quelques épisodes rocambolesques, il est congédié. Il a alors l’idée, à 26 ans, de s’embarquer pour le Nouveau Monde et d’y aller se battre contre les Anglais. Plus encore que contre l’Anglais, il entend combattre « pour la liberté, pour l’égalité », contre la tyrannie et le despotisme. Sans attendre, le colonel Armand recrute sans attendre un corps de partisans. C’est le combat tant attendu. Il exulte. « Rarement on avait vu un colonel s’engager si près de ses hommes à la pointe du combat. »
Grâce à une recherche documentée, François-Xavier Lefranc restitue les tribulations du colonel Armand en Amérique. C’est une forte tête. Il se bat comme un beau diable aux côtés des insurgés. Son courage est exceptionnel. Washington le fait général. Il est incontestablement un des héros de la guerre d’Indépendance américaine.
Le retour en France va être douloureux. Il considère que la Convention malmène la Bretagne, qu’un vent de peur s’y est installé. « La tempête de la révolution soufflait partout, dans les bois et les chemins, les landes et les marais, où l’on parlait de moins en moins des libertés bretonnes et de plus en plus ses souffrances des pauvres et de la faim des miséreux. » Le marquis de La Rouërie va initier une conspiration qui sera à l’origine de la chouannerie. Sa tête est mise à prix. Il réussit à échapper aux poursuites, mais va être trahi par un ami médecin. Il sera finalement emporté par la maladie alors qu’il se cachait au manoir de La Guyomarais en janvier 1793. Il fut enterré dans le jardin, mais les Révolutionnaires le déterrèrent 25 jours plus tard… pour le décapiter.
En Bretagne, la guerre des chouans a laissé une empreinte profonde. Le romancier le sait mieux que personne, lui qui est né et a grandi dans ce pays du Couesnon et a entendu raconter cette histoire durant son enfance. Il relate la vie romanesque du marquis rebelle comme dans un roman de cape et d’épée d’Alexandre Dumas ou de Barbey d’Aurevilly. Avec passion et un long et minutieux travail de recherche.
Bruno SOURDIN.
François-Xavier Lefranc: « Je boirai mon sang », éditions Robert Laffont.
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