Tiens, il est toujours là, lui. Et jamais las. Le Quetton, journal satirique sérieux et drôle, est le plus vieux fanzine français. Et animé par Rocking Yaset, alias Jean-François Michel.
Créé en 1967, "Le Quetton" de J.F. Rocking Yaset est toujours bien vivant. Cheveux longs et idées larges. |
L’histoire
Comment qualifier le Quetton ? De fanzine, cette contraction de «fan» et de «magazine» ? « Oui, ça me va très bien », glousse Rocking Yaset, alias Jean-François Michel, qui est devenu patron de presse à l’âge tendre de 19 ans.
Depuis le 12 juin 1967, précisément où le jeune Yaset, cheveux longs, idées larges, cherche un titre percutant au journal qu’il va créer.
À la table d’à côté, au café du Commerce à Cherbourg, quatre paysans vident une moque de cidre en sortant du marché : « Ils parlaient de leur quetton, de leur âne, en patois normand. Je me suis dit : tiens, Quetton ? Pourquoi pas ? »
En gadget : un caillou
En cette année mémorable de Jeux équestres mondiaux, 47 ans après, saluons donc Le Quetton, âne têtu et malicieux, ancêtre des journaux de la contre-culture, diffusé dans 74 pays, au tirage phénoménal de 400 exemplaires, fait «à la main» par Yaset, l’indéracinable figure cherbourgeoise des envolées magistrales des années 1970.
D’abord tiré en ronéo dans un foyer de lycée, vendu sous le manteau, au format plus haut que large, le Quetton en est à 150e numéro. Et sort, au fil de l’eau et au petit bonheur, quand les moyens de son créateur le permettent : « Il y a internet bien sûr mais nous, on aime Gutenberg et le papier. Je viens d’une époque où quand les journaux ne nous plaisaient pas, on les fabriquait nous-mêmes. »
Qu’y lit-on ? De la pure poésie beatnik, des envolées lyriques, des collages sensationnels, des audaces, quelques outrances et des inventions graphiques et langagières, avec parfois la signature énigmatique de Marguerite Ours noir.
Certains numéros historiques étaient scotchés d’un petit caillou : « C’était un gadget. Si on l’arrosait, il grossissait et devenait un pavé ». D’autres annonçaient être «pleins de poils et de fautes d’orthographe». Ou contenaient un grain de café : « Si on en achetait trente numéros, on se faisait une tasse. » Quetton a toujours eu l’esprit Dada.
Le journal cherbourgeois a résisté à toutes les crises et toutes les tristesses et toutes les lassitudes. A adhéré triomphalement au syndicat de la presse parallèle de New York. Campe fièrement dans le rôle du dernier des journaux alternatifs de France et de Navarre. Et propose, pour rire, un « abonnement nucléaire à 1 524,49 € ». L’âne du Cotentin n’a pas fini de braire.
François SIMON.
Contact : Quetton, BP 344, 50 100 Cherbourg-Octeville.
(Article paru dans le quotidien "Ouest-France" du mardi 25 février 2014. François Simon est grand reporter. Il a publié "Dans le journal, c'était vous", Editions Ouest-France, 2003).)
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