Louis Dubost au Marché de la poésie de Rochefort-sur-Loire, juillet 2017. |
Professeur de philosophie à La Roche-sur-Yon, en Vendée, Louis
Dubost s’est lancé en 1974 dans l’aventure de l’édition, à l’enseigne du Dé
bleu, en
privilégiant une écriture qui tend au maximum de concision. Son premier
recueil était une plaquette de Pierre Dhainaut. « J’ai commencé avec
une ronéo puis je me suis adressé à un imprimeur. Au départ, je voulais
m’autoéditer. Mais j’ai trouvé que les autres écrivaient beaucoup mieux que
moi », glisse-t-il avec un sourire enjoué. Les autres s’appelaient
François de Cornière et Georges Godeau, qui devinrent les deux poètes phares de
la maison, Jean-Claude Martin, Jean-Pierre Georges ou Charles Juliet. Ils
étaient complètement inconnus à l’époque.
Etabli à Chaillé-sous-les-Ormeaux, l’éditeur
vendéen a fait du Dé bleu, jusqu'à sa retraite en 2006, une des références les plus séduisantes de la poésie
contemporaine vivante. De Pierre Autin-Grenier à James Sacré, de Guy Bellay à
Claude Vercey, la liste est longue des auteurs qu’il a révélés: quelques-uns
des poètes essentiels de notre temps, avec des approches multiples, mais tous
ont en commun une passion pour la poésie du quotidien : un courant
poétique qui tourne le dos aux effusions lyriques ou aux aventures formelles,
mais qui s’efforce plus modestement, comme le souligne Pierre Maubé, de « rendre compte des menus événements de
l’existence, des territoires du quotidien, à portée de main, à vue de
nez ». « Louis Dubost est de cette génération qui, depuis les années
70, défend une certaine idée de la poésie, aussi éloignée des académismes
surannées que des terrorismes d’avant-garde. »
L'aventure a duré 35 ans et, avec plus de
400 titres, le catalogue est un modèle du genre : un livre publié par
mois, un tirage à mille exemplaires (certains titres ont dépassé les 4000), une diffusion partout en France et à l’étranger. « Tout un pan de la création littéraire
actuelle est publiée dans un village de Vendée », résumait alors Pierre Maubé.
Cette activité intense n’a pas empêché Louis
Dubost de publier régulièrement, chez d’autres éditeurs, ses propres
livres. Avec passion et un plaisir communicatif. Et maintenant qu'il a
tourné la page du Dé bleu, il peut s’en donner à coeur joie, avec enthousiasme,
comme il l'a toujours fait dans tout ce qu'il a entrepris.
Son dernier livre, Droit Devant, à l'Atelier typographique de Groutel, est un modèle de concision. C'est un vrai régal.
Imprimé par Jacques Renou à l'Atelier de Groutel et illustré par de belles linogravures signées par Yves Barré. |
Ecrire
Tout le temps
et quelque chose à dire
t'as que ça à faire
écrire
sauf que embringué
dans le grand arroi
du silence
tu écris parce que
la langue du désir
ne travaille qu'au noir
tu écris parce que
bouche cousue
tu as quelque chose
à taire
Un mot peut peut-être résumer l’attitude
poétique de Louis Dubost : la lenteur. C’est un poète qui prend le temps
d’écrire. On est toujours trop bavard. « Il
faut trouver le mot juste, affirme-t-il, toujours reprendre, retravailler, dégraisser. »
La poésie, il la découvre dans son lycée
dans les années 60 en lisant Guillevic, cette écriture dense et profonde, et
c’est tout de suite le coup de foudre. « J’ai toujours gardé l’outil légué
par Guillevic : la gomme. »
Pas étonnant qu’il soit par la suite devenu
un passionné de l’escargot, escargot de Bourgogne, province d’où il est originaire, ou
petit-gris de Vendée, qu’il découvre en venant s’installer dans ce
département. « L’escargot n’a rien d’un ange.
C’est le symbole de l’immortalité, de ce qui permet de dépasser la mort. Les
Aztèques en faisaient le dieu de la fécondité. C’est devenu un compagnon de
route. »
Dans sa poésie, Louis Dubost tente de dire
le bonheur possible, les paysages et les saisons, mais aussi l’attente et les
angoisses. « Tout ce que j’ai écrit
est un questionnement de la temporalité. Je suis hanté par le temps. »
L’écriture, c’est aussi, pour lui, une
caresse. Pour cet adepte d’un érotisme tranquille, l’écriture, comme la
lecture, doit donner du plaisir. Plaisir de l’instant, du corps heureux, mais
aussi de la chair douloureuse, de la blessure et de la mort.
A Lyon, Gilles Deleuze lui avait dit : « Un écrivain est toujours comme un
étranger dans la langue où il s’exprime, même s’il s’agit de sa langue natale. »
La poésie est donc cette étrangère qu’il faut séduire. C’est ce qu’il s’efforce
de faire, obstinément. « On écrit à
cause des frustrations de l’existence quotidienne. On écrit de la poésie à
cause des mêmes frustrations du langage. »
Louis
Dubost est un poète rare. « Je ne
publie que lorsqu’il y a urgence. L’écriture économe, presqu’aphoristique,
n’est jamais affaire de premier jet. C’est le résultat d’un long travail sur
les mots. » Le poème n’existe que lorsqu’il n’y a plus rien à gommer.
On y revient toujours.
Bruno SOURDIN.
Bibliographie de Louis Dubost: http://www.m-e-l.fr/louis-dubost,ec,473
Dernière publication: Droit Devant , à l'Atelier de Groutel, Jacques Renou, 72610 Champfleur. atelierdegroutel@gmail.com